Intervention de Gisèle Jourda

Réunion du 31 mai 2023 à 15h00
Débat sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si je devais résumer avec ma collègue Viviane Malet le principal enseignement de nos travaux sur les déchets dans les outre-mer, je retiendrai assurément le mot « urgence ».

Il est urgent d’agir pour répondre à la double urgence sanitaire et environnementale. Dans la plupart de nos territoires ultramarins, la cote d’alerte est dépassée.

Ce mot n’est pas galvaudé. J’avoue que ce que nous avons appris et vu, de nos yeux vu, au cours de notre mission m’a plusieurs fois choquée et bouleversée.

À Mayotte, tout particulièrement, nous avons constaté l’existence de décharges sauvages à ciel ouvert, au cœur de bidonvilles, au milieu desquelles des enfants jouent. Des tas de déchets y brûlent continuellement. Lors de pluies violentes, une grande partie de ces déchets finissent dans le lagon et la mangrove.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, où pourtant la collecte et le tri sont exemplaires, des décharges littorales brûlent à ciel ouvert. À chaque tempête, une partie des déchets finit à la mer.

L’urgence environnementale est criante et cette pollution ne vient pas de l’autre bout du monde. Notre responsabilité est entière, alors même que les outre-mer concentrent 80 % de la biodiversité française.

Notre mission a aussi mis en évidence l’urgence sanitaire à laquelle doivent faire face ces territoires. Une telle situation favorise le développement de maladies de maladies telles que la dengue, l’hépatite A, la typhoïde et la leptospirose.

La collecte déficiente dans des zones géographiques difficiles d’accès ainsi que dans les quartiers informels, le fléau des dépôts sauvages et le poison lent des anciennes décharges illégales sont autant de dangers pour des territoires fragilisés.

Cet état d’urgence, madame la ministre, est la conséquence directe du retard majeur des outre-mer. Quelques indicateurs rendent compte de ce décalage complet.

Le taux d’enfouissement suffit à offrir un aperçu du rattrapage nécessaire : à l’échelle nationale, 15 % des déchets ménagers sont enfouis, 85 % étant valorisés. En outre-mer, le rapport est inversé. À l’exception de la Martinique qui a enfoui, en 2020, 40 % de ses déchets ménagers et de Saint-Barthélemy, tous les autres territoires affichent des taux d’enfouissement de 60 % à 80 %, voire pratiquement à 100 % à Mayotte, en Guyane ou à Saint-Martin.

Face à cette urgence, que faut-il faire ?

En premier lieu, il faut souligner la forte prise de conscience sur tous les territoires. Les initiatives fourmillent pour inverser la tendance et trouver des solutions innovantes et adaptées.

En second lieu, cette situation ne résulte pas d’un désengagement des autorités responsables. Au contraire, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que l’État, sont mobilisés et fournissent des efforts financiers importants.

Pourtant, ceux-ci ne suffisent pas à rattraper un retard structurel. Un nouvel élan est nécessaire ; plus qu’un élan, c’est un plan Marshall qu’il faut, voire un plan Marshall « XXL » pour Mayotte et la Guyane.

Ma collègue Viviane Malet déclinera dans un instant ce plan Marshall qui s’articule autour de vingt-six recommandations concrètes et précises.

Je conclurai en évoquant l’aspect européen. Les spécificités des régions ultrapériphériques ne sont pas assez prises en compte. Les discussions en cours sur la révision du règlement européen relatif au transfert des déchets en témoignent. Dans le droit fil de notre rapport, nous avons déposé une proposition de résolution qui sera examinée par la commission des affaires européennes. Nous aurons à cœur, avec ma collègue Marta de Cidrac, d’en débattre bientôt pour continuer de tracer le sillon de ce rapport, qui se veut un levier pour agir fort et pour agir vite !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion