Intervention de Viviane Malet

Réunion du 31 mai 2023 à 15h00
Débat sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Viviane MaletViviane Malet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos vingt-six recommandations découlent directement du diagnostic qui vient de vous être présenté par ma collègue Gisèle Jourda.

Une nouvelle stratégie doit être bâtie, notamment pour préserver la santé et l’exceptionnelle biodiversité de nos outre-mer, qui ne peuvent devenir des territoires dépotoirs.

Les outre-mer doivent donc, et d’urgence, relever deux défis : à court terme, gérer l’urgence en retrouvant des moyens d’action et consolider les bases d’une gestion des déchets maîtrisée ; à long terme, s’engager résolument sur la voie de l’économie circulaire, qui est un chemin plus long, mais plus durable.

Cette stratégie passe d’abord par l’adoption de plans de rattrapage exceptionnels « cousus main » pour chaque territoire.

Ces plans devront être l’un des volets prioritaires des futurs contrats-cadres.

Ces plans, ainsi que des adaptations ciblées de la réglementation, en particulier en matière de gouvernance et d’actions des éco-organismes, permettront de prendre le virage d’une économie circulaire réaliste et adaptée aux contraintes de ces territoires.

Le temps qui nous est accordé ne permet pas de présenter toutes nos recommandations. Je me concentrerai sur les principales.

La première concerne les financements. Nous estimons que des financements supplémentaires exceptionnels de l’État à hauteur de 250 millions d’euros sur cinq ans sont indispensables pour réaliser les équipements prioritaires et structurants, en sus des aides actuelles. Des déchetteries itinérantes, des centres de tri, voire des centres de stockage manquent presque partout.

La deuxième proposition forte est l’exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pendant cinq, sept ou dix ans selon les territoires. Depuis plusieurs années, nous bricolons des rabais ponctuels et partiels, sans visibilité.

Il faut une exonération claire, prévisible, qui redonnera immédiatement des marges de manœuvre aux budgets de fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des syndicats mixtes.

Le troisième axe fort est une contractualisation entre tous les acteurs, avec des engagements sur les objectifs et les calendriers. Cette contractualisation inclura une mise en commun de l’ingénierie autour de « plateformes de projets ».

Quatrième priorité, il convient de responsabiliser les éco-organismes. Malgré les progrès de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), ceux-ci ne rattrapent que très lentement leur retard accumulé depuis vingt ans. Malheureusement, sans contrainte, nous n’avancerons pas au rythme exigé. À défaut de progrès spectaculaires à court terme, il nous faut expérimenter en outre-mer un mécanisme incitatif de pénalités financières qui pèseraient sur les éco-organismes n’atteignant pas leurs objectifs territorialisés.

Cinquième proposition importante, toujours en lien avec l’accent mis sur les éco-organismes, nous proposons d’abaisser à 1 tonne, au lieu de 100, le seuil à partir duquel le coût de nettoiement d’un dépôt sauvage est pris en charge par les éco-organismes. Il faut envoyer un signal fort : le rattrapage doit être rapide et net, et non pas étalé sur vingt ans.

Notre sixième proposition porte sur la gouvernance. Outre qu’il convient d’aller vers un opérateur unique sur chaque territoire chargé du traitement des déchets, il manque encore une véritable instance de pilotage. Dans ce but, nous proposons que la commission consultative d’élaboration et de suivi (CCES) du plan régional de prévention et de gestion des déchets devienne, dans chaque région, une véritable instance de coordination et de pilotage.

Septièmement, nous proposons de développer des dispositifs de gratification directe du tri pour encourager la collecte sélective dans les zones défavorisées ou isolées. Des projets locaux innovants ont déjà montré leur pertinence. Il faut aller plus loin, en particulier à Mayotte.

Enfin, nous plaidons pour le développement de la valorisation énergétique des déchets dans les outre-mer, avec un cadre pérenne et favorable au prix de rachat de l’électricité ainsi produite.

Malgré tous les progrès possibles en matière de recyclage, de réemploi et de prévention des déchets, il ne nous paraît pas réaliste d’imaginer une gestion des déchets outre-mer sans un véritable essor de la valorisation énergétique.

Je terminerai en remerciant la présidente du groupe d’études sénatorial sur l’économie circulaire, Marta de Cidrac, ainsi que ses collègues, qui ont suivi et enrichi nos travaux. Ce travail de concert permettra de donner à ces recommandations les suites législatives qu’elles appellent.

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