Intervention de Jean-Louis Lagourgue

Réunion du 31 mai 2023 à 15h00
Débat sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Photo de Jean-Louis LagourgueJean-Louis Lagourgue :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Ensemble pour une île plus propre » : c’est le slogan de l’association PropRéunion, qui œuvre depuis 2017, grâce à ses bénévoles, à nettoyer La Réunion des dépôts d’ordures sauvages. Je souhaite ainsi commencer par saluer toutes les initiatives locales et bénévoles qui contribuent à la préservation de nos territoires.

Certains d’entre nous ont peut-être déjà entendu quelqu’un revenir d’un voyage dans l’un de nos territoires ultramarins et dire : « C’était magnifique ! Mais qu’est-ce que c’était sale… » Et pour cause : dans certains de ces territoires, les paysages de cartes postales sont malheureusement parfois entachés d’ordures. Bien sûr, c’est aussi le cas de certains territoires hexagonaux, mais, comme souvent dans les outre-mer, les problématiques sont exacerbées par l’insularité, le climat, la densité de population et la taille des territoires.

Malheureusement, la problématique des déchets dans les outre-mer ne se limite pas aux dépôts sauvages ; c’est souvent toute la chaîne de gestion qui est en difficulté, de la collecte au traitement, même si la situation demeure très inégale selon les territoires.

La situation est ainsi beaucoup plus alarmante à Mayotte et en Guyane qu’elle ne peut l’être à Saint-Barthélemy ou à La Réunion. À titre d’exemple, Mayotte et la Guyane enfouissent presque 100 % de leurs déchets, contre 15 % au niveau national.

Pourtant, les conséquences d’une mauvaise gestion des déchets sont nombreuses.

Il y a d’abord les risques sanitaires, avec une prolifération de certaines maladies comme la dengue, la typhoïde ou la leptospirose. Cela pose ensuite des risques économiques aux régions axées sur le tourisme, où la dégradation des paysages à cause des déchets risquerait de détourner les touristes. Cela génère des risques environnementaux enfin, dans des territoires qui, à eux seuls, n’abritent pas moins de 80 % de la biodiversité française et de nombreuses espèces endémiques. Les nombreuses décharges illégales, actuelles ou anciennes, dans lesquelles des batteries sont abandonnées, polluent les sols et les nappes phréatiques.

Comme le souligne le rapport de la délégation sénatoriale, ces situations résultent de causes diverses, qui se cumulent parfois, souvent sur un même territoire. Il y a les problèmes de gouvernance, avec une multiplicité d’acteurs qui ne parviennent pas à se coordonner ; des financements insuffisants pour permettre une remise à niveau rapide ; des éco-organismes pour le moins discrets dans le cadre des filières REP ; ou encore la difficulté, voire l’impossibilité, d’exporter certains déchets.

C’est ainsi que l’île de La Réunion et sa voisine mahoraise subissent depuis 2020 d’importantes difficultés dans l’exportation de leurs déchets dangereux. Les stocks se sont tellement accumulés qu’il a été demandé aux producteurs de conserver ces déchets, dont les collectes ont été interrompues. Nous avons ainsi dû stocker l’équivalent de plus d’une année de déchets dangereux, dont des batteries, des piles et des boues chargées d’hydrocarbures. En cause : la saturation post-covid du transport maritime conjuguée à la frilosité de certaines compagnies pour transporter des déchets dangereux, en raison d’une réglementation complexe.

Si la situation, du moins pour ce qui est du surstockage, a pu être rétablie en octobre dernier à coups de négociations et de procédures exceptionnelles, elle pose évidemment la question de la dépendance de nos deux régions de l’océan Indien aux liaisons maritimes vers l’Europe, située à plus de 9 000 kilomètres.

Les eurodéputés ont arrêté en janvier dernier leur position sur un durcissement de la réglementation relative à l’exportation des déchets hors de l’Union européenne, qu’ils soient dangereux ou non.

Madame la ministre, pouvez-vous nous garantir que la France usera de toute son influence lors des négociations à venir afin que les nouveaux textes tiennent compte des contraintes propres aux outre-mer ? Comment comptez-vous soutenir les initiatives locales qui fleurissent pour le recyclage des déchets en matière de crédits, mais surtout de gouvernance ? En parallèle, comment comptez-vous appuyer le développement de la coopération régionale entre outre-mer français d’une part, et entre les outre-mer et d’autres États d’une même zone géographique d’autre part ?

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