Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite remercier la délégation sénatoriale aux outre-mer, Gisèle Jourda et Viviane Malet pour leur considérable travail, qui m’a convaincu que cette problématique est moins une particularité exotique qu’une mise à l’épreuve, dans des conditions complexes, de nos politiques publiques. Il s’agit d’un révélateur des carences et dérives de ces dernières, mais aussi de certaines innovations prometteuses, qui interpellent notre responsabilité politique et qui peuvent nous amener à des adaptations et à des avancées dont le bénéfice pourrait profiter autant aux outre-mer qu’à nos territoires de métropole.
Dans les outre-mer, les difficultés et les obstacles jouent sans doute un rôle plus important qu’ailleurs. Les coûts y sont structurellement plus élevés. Néanmoins, l’équation est la même que partout ailleurs : chaque partie impliquée – producteurs, consommateurs, pouvoirs publics – doit assumer pleinement ses responsabilités.
Les producteurs ont la responsabilité des impacts et de la fin de vie de leurs produits. Cependant, le système de REP est extrêmement peu contraignant et les éco-organismes ne sont pas tenus à des objectifs spécifiques par territoire. Cette situation est encore plus handicapante dans les outre-mer.
Les consommateurs ont également la responsabilité d’adopter des comportements vertueux, rendus d’autant plus indispensables par les difficultés de collecte, la part des apports volontaires et les contraintes liées à l’insularité et à l’exposition accrue aux risques naturels.
Enfin, les acteurs publics – collectivités, État, Europe, législateurs – ont la responsabilité de mettre en place des normes, des règles, des cahiers des charges, des moyens d’investissement et de fonctionnement durables, des contrôles, des sanctions et un accompagnement à la hauteur des enjeux, des contraintes spécifiques et des trajectoires fixées.
La dengue, le paludisme, le saturnisme, l’hépatite A sont des maladies qui prolifèrent dans de nombreuses régions d’outre-mer en raison de la présence de déchets dans des décharges ou des dépôts sauvages comme, par exemple, des épaves de véhicules abandonnées dans la nature.
Les outre-mer abritent 80 % de la biodiversité française. Lorsqu’une mangrove, un lagon, une forêt ou un cours d’eau se transforment en dépotoir, cela engendre un désastre écologique, sanitaire, social – et touristique !
La France est ambitieuse pour un traité international sur la pollution plastique, mais cette ambition doit se concrétiser également dans nos territoires d’outre-mer durement atteints.
Parmi les recommandations du rapport de la délégation aux outre-mer, je retiens deux idées principales.
Tout d’abord, la nécessité d’élever les exigences de notre système de REP. Les éco-organismes, en tant que mandataires des metteurs sur le marché, doivent être soumis à des objectifs territoriaux. Pourquoi feraient-ils des efforts en Guadeloupe ou en Guyane, si cela leur coûte plus cher qu’en métropole et s’ils ne risquent aucune sanction en cas de résultats insatisfaisants dans ces territoires, où la collecte et le recyclage sont bien plus coûteux qu’à Strasbourg ou à Lyon ?
Il est donc nécessaire d’autoriser les outre-mer à intervenir dans les cahiers des charges et à adopter leurs propres normes pour la mise sur le marché, la consigne et le réemploi. Afin de leur donner un levier d’action déterminant, il sera nécessaire de réduire de 100 tonnes à 1 tonne le seuil à partir duquel le coût de nettoyage d’un dépôt sauvage est pris en charge par les éco-organismes.
La seconde idée-force de cette série de recommandations consiste à fournir aux outre-mer les moyens de faire face aux coûts nettement plus élevés liés à leurs déchets.
Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas de mauvaise gestion publique, mais de spécificités qui font que, dans les outre-mer, ce sont largement les contribuables et l’ensemble de la population qui supportent le coût du traitement des déchets provenant des activités économiques. Comme le souligne l’association Amorce, il n’est pas aussi facile de mettre en place un centre de tri outre-mer qu’en région parisienne.
Il est évident que des plans de rattrapage exceptionnels sont nécessaires. L’État doit mettre sur la table des moyens financiers, en particulier en faveur des territoires de Mayotte et de la Guyane. Il faudrait au minimum 250 millions d’euros sur cinq ans, qui permettraient aux collectivités de mettre en place les infrastructures prioritaires et les équipements structurants.
Donner les moyens, c’est aussi remédier aux effets négatifs de la TGAP, dont les paramètres, fixés pour la métropole, visent notamment à éviter qu’il soit moins coûteux d’enfouir les déchets plutôt que de les recycler. Ce bon principe devient contre-productif outre-mer, où l’enfouissement prédomine à tel point que la TGAP agit comme un frein plutôt que comme une incitation à agir, asséchant ainsi les ressources nécessaires au financement du rattrapage indispensable. La recommandation n° 12, qui prévoit d’instaurer une exonération adaptée de la TGAP pour les différents territoires d’outre-mer, est donc primordiale.
De même, il est essentiel d’accorder une aide au fret pour lever les obstacles à la mutualisation et à la massification des flux de déchets à traiter entre territoires voisins.
Enfin, la recommandation n° 23, largement développée dans le projet de résolution européenne de nos collègues, vise opportunément à rendre les dispositifs et les aides européennes plus adaptés aux outre-mer.
En conclusion, si tout ce débat, toutes ces attentes, ce rapport de la délégation, cette résolution européenne à venir ne servaient à rien, ne se traduisaient pas dans les faits, ce serait une immense déception. Je parlais à l’instant de responsabilité des acteurs publics. Madame la ministre, celle de votre gouvernement est particulièrement attendue !