Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier la délégation aux outre-mer d’avoir organisé ce débat, qui permet de faire un point sur les avancées réalisées en matière de gestion des déchets dans les outre-mer.
Je souhaite remercier les sénatrices Gisèle Jourda et Viviane Malet pour leur rapport qui, je le souhaite, inspirera les actions du Gouvernement dans ce domaine.
Je tiens à excuser l’absence du ministre délégué chargé des outre-mer, Jean-François Carenco, qui se trouve actuellement en Nouvelle-Calédonie avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin. Il a fait de la gestion des déchets l’une de ses priorités et il aurait aimé se trouver parmi nous aujourd’hui.
Vous l’avez dit et écrit : la situation des déchets en outre-mer n’est pas satisfaisante et le constat est alarmant. Il s’agit aujourd’hui d’ouvrir, comme vous l’avez souligné, monsieur Artano, des perspectives concrètes de progrès.
Comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, 67 % des déchets ménagers sont enfouis outre-mer, contre 15 % à l’échelle nationale. La gestion des déchets ménagers coûte en moyenne 1, 7 fois plus cher dans les outre-mer que dans l’Hexagone. Les déchets d’emballage, par exemple, y sont trois à quatre fois moins collectés dans le bac jaune.
Votre rapport de décembre dernier a dressé un état des lieux exhaustif des difficultés rencontrées. Elles sont multiples : des coûts plus élevés, l’absence de marché, des exportations compliquées. Par ailleurs, le nombre de déchetteries est insuffisant et les éco-organismes des filières REP restent trop peu mobilisés sur ces territoires.
Cette gestion a des conséquences sanitaires, environnementales, sociales et économiques néfastes pour nos compatriotes ultramarins et pour la biodiversité. En effet, les dépôts sauvages polluent les cours d’eau et les nappes phréatiques et favorisent la prolifération de rongeurs ou de moustiques transmettant la dengue et le paludisme.
La loi Agec de 2020 et la loi Climat et résilience de 2021 ont fixé des objectifs ambitieux qu’il convient de mettre en œuvre dans tous les territoires. Les retards pris dans les outre-mer nécessitent de redoubler d’efforts et d’apporter une réponse à nos compatriotes ultramarins, qui ont pu se sentir abandonnés.
Le Gouvernement est non seulement pleinement conscient de cette réalité, mais surtout entièrement mobilisé. Il prépare ainsi un plan d’action concret et territorialisé, assorti d’une feuille de route interministérielle de progrès pour la gestion des déchets outre-mer.
Ce projet de feuille de route repart des recommandations de votre excellent rapport de décembre dernier et tient compte également des retours d’expérience des préfets et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) concernant les territoires d’outre-mer.
Vous l’évoquiez dans votre rapport, le premier axe d’amélioration est la gouvernance. Un important travail de rationalisation doit être effectué par les collectivités. Celles-ci sont en effet compétentes en matière de planification et d’organisation de la gestion des déchets. L’État se tient à leurs côtés, comme nous le faisons actuellement en Martinique avec le Syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD).
À ce jour, La Réunion, Saint-Martin, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon doivent encore adopter leurs plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD).
Le prochain Ciom, que nombre d’entre vous ont mentionné, programmé le 12 juin à quinze heures, sera l’occasion d’aller plus loin et de reprendre directement certaines mesures de votre rapport, pour mieux organiser encore cette gestion. J’en citerai au moins deux : l’autorité unique et la gratification du geste de tri. Vous travaillerez toutefois le 12 juin sur bien d’autres mesures.
En matière de financement, l’État est au rendez-vous. Il l’est via les contrats de convergence et de transformation (CCT), dont la nouvelle génération est en cours de négociation. Pour rappel, sur la période 2019-2022, le ministère des outre-mer a contractualisé avec l’Ademe un montant total de 41 millions d’euros pour accompagner les collectivités.
Malheureusement, ces montants, comme souvent en outre-mer, ne sont pas assez consommés. Rien ne sert de voter des budgets mirobolants s’ils ne sont pas dépensés. Le Gouvernement travaille, dans le cadre du Ciom, à mettre à la disposition des collectivités territoriales davantage d’expertise en ingénierie pour que les crédits proposés par le Gouvernement et votés par le Parlement parviennent réellement à financer des projets.
En complément, le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) peut apporter une aide ponctuelle pour certains projets ciblés. Depuis 2010, le ministère des outre-mer a financé des projets de gestion et de valorisation des déchets à hauteur de 31, 2 millions d’euros, soit environ 2, 6 millions d’euros par an. Pour 2023, mon collègue Jean-François Carenco a décidé de doubler cette enveloppe et de la concentrer sur la Guyane, qui a fait de ce sujet sa priorité.
Le fonds vert est également un outil dont les collectivités ultramarines doivent se saisir. La collecte de biodéchets a déjà représenté 10 % des dossiers déposés lors du premier appel à projets. Ainsi, 870 000 euros seront alloués à la Martinique pour des travaux de mise en œuvre du captage de biogaz. Des études seront également financées pour la mise en œuvre du tri à la source des biodéchets à Marie-Galante et pour l’élimination des déchets métalliques du lagon à La Réunion.
Enfin, les fonds européens sont des atouts précieux pour les collectivités. Pour la période 2014-2020, 155 millions d’euros ont ainsi été engagés en faveur de la gestion des déchets en outre-mer.
J’ajoute que la commissaire européenne à la cohésion et aux réformes, Elisa Ferreira, que je connais bien, évoque régulièrement – et avec tristesse – le problème de la sous-consommation des crédits européens. De manière générale, les collectivités régionales doivent mieux se saisir de ces opportunités de financement et la consommation des fonds doit être améliorée.
Un autre constat que le Gouvernement partage, c’est que les éco-organismes des filières REP ne sont pas au rendez-vous en outre-mer. Ce n’est pas normal que les ultramarins ne puissent bénéficier d’un service de collecte performant pour les déchets relevant desdites filières. La loi Agec a justement prévu de remobiliser ces éco-organismes pour rattraper d’ici à trois ans les retards en matière de collecte et traitement des déchets en outre-mer.