Intervention de Paul Toussaint Parigi

Réunion du 31 mai 2023 à 15h00
Accès aux services publics — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Paul Toussaint ParigiPaul Toussaint Parigi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui a le mérite de rappeler et de sanctifier le rôle essentiel que jouent les services publics.

Elle rappelle qu’ils sont une condition indispensable de l’accès de tous aux droits fondamentaux : droit à la santé, au logement, à l’éducation, à la justice, ou encore à l’hébergement d’urgence.

Elle rappelle aussi qu’ils sont l’expression concrète des principes que l’esprit républicain a progressivement forgés, affinés et inscrits dans la loi pour étayer et garantir les droits et libertés.

Elle rappelle également qu’ils sont le terreau de l’économie, le maillage des solidarités et les ferments de notre citoyenneté ; ils sont tenus de garantir l’égalité des usagers, d’assurer une continuité d’action et de s’adapter aux besoins de ceux-ci.

Elle rappelle enfin que, face à ces impératifs, nous avons tous le devoir vigilant d’analyser avec lucidité leurs forces, leurs faiblesses et, en conséquence, leur impérieuse amélioration.

Encore trop souvent, les villes – petites et moyennes agglomérations comme métropoles – dominent les représentations de ces services et les choix qui sont faits.

Au cours des dernières années, les vagues de réformes de l’action publique se sont traduites par la fermeture de nombreux services de proximité. Ce courant a laissé des pans entiers de notre territoire éloignés des grandes infrastructures numériques et de transports ; on a donné à leurs habitants le sentiment d’être marginalisés, abandonnés.

Élu d’un territoire majoritairement rural, je sais combien l’égalité d’accès à ces services publics est encore loin d’être acquise ; bien des fois, elle est même en décroissance.

Je sais aussi combien les réponses apportées ne tiennent pas compte des spécificités locales.

En Corse, les communes rurales concentrent la moitié de la population régionale. L’éloignement des pôles urbains se conjugue au relief montagneux de l’île, qui rend les temps de transports plus élevés qu’en métropole, ainsi qu’aux effets encore très prégnants de la fracture numérique qui divise notre territoire, avec de nombreuses zones blanches.

Oui, l’administration dématérialisée s’est trop souvent, hélas, accompagnée de la fermeture de guichets de proximité et ainsi de la suppression de tout contact humain. Même si elle a offert des avancées que l’on ne peut nier, elle a également été synonyme d’exclusion. Elle exclut ceux à qui elle apparaît comme un obstacle parfois insurmontable – les personnes âgées, les personnes handicapées ou celles en situation de précarité sociale –, alors que bien souvent c’est pour ces mêmes populations que l’accès aux droits sociaux garantis par les services publics revêt un caractère vital.

Notre vision du progrès n’est conciliable ni avec l’éloignement des usagers de leurs droits ni avec le renforcement les fractures territoriales. L’épisode de 2018 nous l’a rappelé haut et fort.

Si le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) et la mise en place de l’agenda rural ont replacé sur le devant de la scène les problématiques du monde rural, et si celui-ci, pour l’avoir réclamé à cor et à cri, commence à être mieux pris en considération, il y a encore loin de la coupe aux lèvres !

Les territoires ruraux, qui recouvrent des réalités très différentes, continuent de souffrir de réponses mal adaptées à leurs spécificités, alors qu’un accès égalitaire reste un rouage essentiel du pacte républicain.

L’augmentation du nombre des maisons France Services doit se conjuguer à une montée en gamme de leur qualité, mais il faut aussi davantage associer à leur développement les élus locaux, qui connaissent parfaitement les besoins de leur territoire.

C’est de justice territoriale qu’il est question ici. Pour éviter les exclusions, il nous faut construire un capital collectif accessible à tous.

Nous pensons qu’il repose sur une couverture numérique pleine et entière et sur la recherche d’un meilleur équilibre entre un accompagnement plus attentif des personnes à l’accès dématérialisé, d’une part, et la mise en place de réels services de proximité, de l’autre.

Améliorer leur fonctionnement et simplifier les procédures sont des nécessités d’autant plus impérieuses que ces services ne sont pas de simples acteurs économiques ou sociaux. Ils sont les garants de la cohésion sociale et les symboles de l’action publique.

Je voudrais donc remercier notre collègue Jean-Claude Requier pour cette proposition de résolution, en espérant que le plan France Ruralités, dévoilé récemment, permette de tenir ce pari de taille. Les attentes sont fortes et le moment est crucial. Il ne faudrait pas que de nouvelles coupes budgétaires viennent contrarier l’espoir de nos territoires.

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