Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est très loin, le temps où le maillage des services publics dans notre pays était le moteur d’un développement équilibré du territoire, faisant de la ruralité française un modèle unique en Europe. Cette époque a été broyée par une succession d’objectifs d’économies qui, sous couvert de modernisation de l’État, ont favorisé un processus de concentration des services dans les pôles intermédiaires ou les grandes villes. Avec le souci de rationalisation de l’offre et de réduction des coûts, la perte de proximité est devenue la norme.
L’exemple de la SNCF, qui s’est concentrée sur le seul développement de la mobilité de métropole à métropole, en délaissant les autres lignes, qualifiées de « secondaires », illustre parfaitement ce processus : on n’entretient plus une ligne ; le temps de parcours augmente ; les gens prennent leur voiture ; enfin, on ferme la ligne faute de rentabilité.
L’État n’a cessé de suivre cette logique de fermeture d’une multitude de services publics, que ce soit du côté des écoles, des hôpitaux, des maternités, des gares, des trésoreries, des tribunaux, des gendarmeries, et j’en passe.
J’en veux pour preuve le cas de la Nièvre, département que je connais très bien : la grande Faucheuse statistique fait son œuvre tous les jours sur notre territoire et apporte son lot d’annonces de fermetures de services.
Ici, des fermetures de classe : 16 postes en moins à la rentrée de 2023 dans nos villages. Là, des voies de chemin de fer mal entretenues, la multiplication des retards de trains, des gares et des guichets que l’on ferme. Là encore, la fermeture de maternités à Clamecy, Cosne et Autun, la suspension des services d’urgences à Clamecy et à Decize, le transfert du centre 15 de Nevers à Dijon. Toujours là, la fermeture de 11 trésoreries.
Et si le sentiment d’abandon qui alimente la colère de nos concitoyens provenait en grande partie de la disparition de nombreux services publics de proximité, ou de leur suppression annoncée à très court terme ?
Face à la multiplication des déserts dans notre pays, quelle réponse peut-on apporter à tous ces territoires de faible densité, habités par des publics souvent fragiles, précaires ou âgés, qui restent en retrait des zones les mieux équipées en services ? Comment continuer à fermer les yeux, à laisser à l’écart de la société des individus peu connectés, victimes de l’illectronisme, vivant dans des territoires où la distance se calcule en temps de parcours et où la mobilité est rendue plus difficile ? Comment, enfin, ne pas comprendre ce sentiment d’abandon réellement ressenti dès lors que la dimension sociale du service public disparaît ?
Élus, habitants et commerçants se rendent compte de la mort des directions départementales des services de l’État et de leur maillage local. Ils se rendent compte qu’on les dessaisit de la richesse que sont nos services publics.
Les habitants de nos villages ruraux sont attachés au lieu où ils résident, mais ils ont aussi un attachement affectif aux gens qui y vivent, à une identité. La défense des services publics est, dans un tel contexte, le symbole d’une lutte pour le maintien d’une vie locale face à un déclin qui semble inéluctable et qui, in fine, induit lorsque ces services disparaissent un triple choc, psychologique, économique et démographique.
C’est pourquoi il est plus que jamais nécessaire de s’interroger sur ce que coûte l’absence de ces services publics et sur ce qu’ils peuvent apporter en termes de cohésion sociale, d’accès aux droits, d’emploi, de lutte contre le réchauffement climatique, mais également de développement économique.
De plus, nos territoires sont désormais recherchés. Oui, mes chers collègues, les différents recensements de population montrent que nos territoires ruraux sont redevenus attractifs.
Cela suppose aussi de s’interroger de nouveau sur le financement de nos services publics. L’affaiblissement de l’impôt sur les plus riches a, à la fois, rendu injuste le sens de la contribution et appauvri l’État, donc les services publics. Or l’impôt est accepté de tous lorsqu’il finance les services publics, qui sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Parce qu’ils permettent à chacune et à chacun, quels que soient ses moyens, d’accéder aux services et aux réseaux indispensables à la vie humaine, il est impératif de les financer à la hauteur des besoins.
C’est cette ambition d’un service public offrant des garanties collectives qui doit être au cœur de la construction d’alternatives de progrès. L’innovation et l’appel aux bonnes volontés sont souvent insuffisants pour connecter ces individus et ces territoires.
On l’observe aisément aujourd’hui avec le réseau des maisons France Services, qui constitue certes une avancée, mais qui ne compense que partiellement ce manque, avec des différences constatées dans l’éventail des services accessibles et dans la densité de leur maillage territorial selon les départements. L’articulation de ces espaces avec nos collectivités locales reste aussi à renforcer, car, je vous le rappelle, nos mairies sont le premier point d’entrée dans nos institutions publiques et la première voie d’accès aux services publics.
Pour conclure, j’ai la profonde conviction que la présence des services publics doit être conçue comme un investissement d’avenir, un pari sur les générations à venir et un enjeu fort pour le devenir des territoires ruraux.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que tous les membres de mon groupe voteront en faveur de cette proposition de résolution.