Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les services publics jouent le rôle fondamental de servir l’intérêt général, en soustrayant certaines activités à la logique du marché et à la recherche du profit. Il nous appartient de protéger cet héritage, dont le délitement progressif érode la base de notre contrat social.
La dématérialisation de l’administration à 100 % provoque un sentiment d’abandon et cristallise les tensions.
Ces tensions, on les observe tout d’abord chez les Français : 13 millions de personnes sont en situation d’illectronisme, véritable illettrisme du XXIe siècle. Contrairement aux idées reçues, toutes les classes sociales et toutes les générations sont touchées, bien que l’illectronisme soit davantage répandu parmi nos concitoyens les plus précaires, pour lesquels l’accès à l’information et à leurs droits est plus que primordial.
De surcroît, même ceux qui utilisent aisément les outils numériques sont confrontés à la complexité des procédures, au jargon employé, aux erreurs de dossiers, qui sont autant d’obstacles à la jouissance des droits.
Mes chers collègues, souvenez-vous : autrefois, on remplissait comme on pouvait un formulaire Cerfa et, une fois au guichet, on le complétait avec un agent du service public. Dorénavant, ce même formulaire Cerfa a été dématérialisé et il n’est plus possible de s’entretenir avec un agent. Par souci d’économies, l’usager est devenu un agent du service public.
Ces tensions, on les observe ensuite chez les élus locaux : cette dématérialisation à marche forcée des services publics a été encore plus douloureusement vécue dans le monde rural.
Je le constate chaque semaine lorsque je rencontre les maires de mon département, dont les secrétaires de mairie sont sursollicités par les administrés pour les assister dans leurs démarches, à tel point que la collectivité est souvent obligée de soutenir complémentairement des associations. Une nouvelle fois, l’État se décharge sur les communes !
Alors oui, le dispositif des conseillers numériques représente une première étape dans le processus de montée en compétence numérique des citoyens et mérite par conséquent d’être fortement renforcé. Quant à celui des maisons France Services, il offre un service très inégal selon les endroits : si certaines apportent toute satisfaction, d’autres sont de réelles coquilles vides.
Mais, contrairement aux déclarations du Gouvernement, de nombreux Français ne se voient proposer aucune alternative physique ou téléphonique – la Défenseure des droits l’a rappelé très récemment.
Il est urgent et plus que nécessaire de mettre en œuvre une véritable politique publique d’inclusion numérique, qui soit cohérente, complète et digne de ce nom. Celle-ci doit s’attaquer au problème par toutes les cibles et par tous les angles. Pour cela, elle doit être financée à la hauteur de l’enjeu.
Pour traiter ce mal à la source, l’école est le premier des leviers, par un apprentissage plus approfondi des outils numériques. De plus, le développement de l’« aller vers » est incontournable.
Ainsi, la question de l’accès aux services publics est bien celle de l’accès aux droits, qui est rendu plus difficile pour certains, au point de virer, pour les naufragés du numérique, à la détresse humaine et sociale.
Renforcer tous les modes d’accès aux services publics est un impératif auquel nous souscrivons. Le groupe socialiste votera donc cette proposition de résolution.