Intervention de Stanislas Guerini

Réunion du 31 mai 2023 à 15h00
Accès aux services publics — Adoption d'une proposition de résolution

Stanislas Guerini :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, oui, le principe d’égalité des droits est au cœur du pacte républicain ; oui, l’accès aux services publics, partout et pour tous, est le fondement de notre cohésion sociale.

La dématérialisation des démarches administratives est souvent utile, mais elle doit, c’est vrai, s’appuyer sur une couverture numérique de qualité dans tous nos territoires et sur un accompagnement de ceux qui en sont le plus éloignés. C’est pourquoi nous agissons de manière résolue afin que la numérisation de nos usages ne rime jamais avec une déshumanisation de nos services publics : comme vous l’avez dit, nous avons déployé en moins de trois ans, 2 600 espaces France Services et des milliers de conseillers numériques.

Comme vous le voyez, monsieur le président Requier, le Gouvernement partage le constat que vous dressez. C’est tout l’objet de nos actions pour renforcer l’accès à nos services publics et la qualité de ces derniers. C’est précisément pour cela que la Première ministre a réuni l’ensemble du Gouvernement le 9 mai 2023 à l’occasion du septième comité interministériel de la transformation publique pour mobiliser l’ensemble de l’action gouvernementale.

À l’occasion de l’examen de cette proposition de résolution, dont je vous remercie, je voudrais revenir sur trois de mes priorités pour rendre nos services publics plus accessibles, plus attractifs et plus qualitatifs : assurer les fondamentaux de nos services publics ; mettre en place un accompagnement privilégié pour ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin ; prendre soin de nos agents publics et leur porter une attention particulière.

La première priorité, c’est d’assurer les fondamentaux de nos services publics. Les Français ont des attentes simples vis-à-vis de nos services publics – qui ont été très bien décrites par les orateurs précédents. J’en dénombre trois.

La première attente concerne les délais : il s’agit du principal sujet sur lequel nous sommes quotidiennement sollicités.

La deuxième attente, c’est tout simplement de pouvoir parler à quelqu’un lorsque l’on est éloigné du numérique ou qu’une démarche administrative nous résiste – soit parce que l’on n’y arrive pas, soit parce que cela ne fonctionne pas en ligne, soit parce que l’on ne parvient pas à joindre quelqu’un au téléphone.

La troisième attente, tout aussi légitime, c’est de ne pas être renvoyé d’une administration à une autre. Une information que l’on a donnée une fois doit être réputée avoir été donnée définitivement à l’ensemble des administrations auxquelles on a affaire.

Pour répondre à ces attentes, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai deux convictions de méthode.

D’une part, il ne faut jamais opposer numérique et physique. Il faut porter notre attention sur tous les canaux d’accès à nos services publics. J’y reviendrai.

D’autre part, il s’agit non pas de simplifier pour simplifier, mais de simplifier en partant de la vie de nos concitoyens, c’est-à-dire en privilégiant les moments de vie où ceux-ci ont besoin d’avoir accès à nos services publics. Je crois profondément à cette méthode.

C’est fort de ces convictions que le comité interministériel de la transformation publique a pris des décisions importantes.

Ainsi, nous devons améliorer tous les canaux d’accès à nos services publics, à commencer par le téléphone. Vous avez tous souligné à quel point il était insupportable de devoir attendre, de n’avoir personne en ligne, d’avoir à taper sur des touches – « tapez 1 », « tapez 2 »… – pour contacter tel ou tel service. Nous l’avons tous vécu. Sur la qualité de l’accueil téléphonique, il nous faut donc une mobilisation accrue.

C’est pourquoi nous avons déployé un nouveau plan visant à renforcer la qualité de l’accueil téléphonique, avec des objectifs très clairs. Nous devons atteindre un taux de décroché supérieur à neuf fois sur dix dans l’année à venir. Nous allons établir un outil de mesure de la satisfaction des usagers qui ont contacté une administration par téléphone ou qui ont essayé de faire. Nous allons également développer la possibilité de prendre rendez-vous ou d’être rappelé par une administration quand on en formule la demande. Tout cela est très concret.

Nous sommes également mobilisés pour renforcer la qualité du numérique que nous devons apporter. Je ne verserai pas dans la facilité, en ne parlant du numérique que de façon négative. Au contraire, il faut faire du bon numérique. Un certain nombre de démarches doivent être numérisées, ce qui correspond aux attentes de nos concitoyens, puisque, aujourd’hui déjà, plus de neuf fois sur dix, les interactions de nos concitoyens se font via le numérique.

Faire du bon numérique, c’est d’abord faire du numérique accessible à tous. Vous l’avez rappelé, pour les 250 démarches essentielles qui sont utilisées par plus de 200 000 Français chaque année, le taux de numérisation est désormais acceptable – plus de 94 %. Pour autant, en matière d’accès au numérique des personnes en situation de handicap, pour ne prendre que cet exemple très concret, nous sommes en retard. Un bon numérique doit être accessible à ces publics. Dès lors, nous renforcerons le premier niveau d’accessibilité.

Faire du numérique, c’est aussi tenir la promesse du « dites-le nous une fois », par le partage des informations entre les administrations.

Par ailleurs, comme je l’ai annoncé, nous devons simplifier le quotidien des Français dans les principales étapes de leur vie. Nous avons à cette fin choisi de travailler par « moments de vie » en nous fixant des objectifs cruciaux : résoudre ce qui dysfonctionne dans ces moments particuliers, appliquer le droit à l’erreur tout comme le « dites-le nous une fois ». En d’autres termes, il s’agit d’améliorer l’ensemble du parcours des usagers.

Nous avons défini cinq moments de vie prioritaires.

Premièrement, le fait de devenir étudiant, car il s’agit d’un moment particulier et souvent complexe, notamment en matière d’accès au logement.

Deuxièmement, le renouvellement des titres d’identité. Je n’ai pas le temps d’aborder ici ce sujet en détail, mais les objectifs sont très clairs : il s’agit de diviser par deux les délais. Cette problématique a d’ailleurs été évoquée cet après-midi même, et à très juste titre, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement.

Troisièmement, le fait de partir à l’étranger. Il s’agira d’expérimenter la dématérialisation du renouvellement des titres d’identité pour les Français établis hors de France, mesure qu’ils appellent de leurs vœux.

Quatrièmement, la rénovation de son logement. On connaît la complexité de l’accès aux aides pour cette politique publique. Il conviendra notamment de mobiliser le réseau France Services sur cette procédure particulière.

Cinquièmement, le fait de perdre un proche. Il s’agit d’un moment d’une grande brutalité vécu par 8 % à 10 % de nos concitoyens chaque année. Il nous faut donc être plus proactifs, notamment dans le versement de la pension de réversion ou dans l’accompagnement volontaire des veuves et des veufs dans leurs démarches.

Voilà pour ces moments fondamentaux, qui concernent l’ensemble de nos concitoyens.

La deuxième priorité, c’est d’accorder une attention accrue à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire à ceux qui sont soit intrinsèquement éloignés du numérique – par exemple, les personnes âgées ou les jeunes qui, paradoxalement, sont très à l’aise sur leur téléphone portable, mais le sont beaucoup moins quand il s’agit d’effectuer une démarche en ligne –, soit frappés d’illectronisme, afin de réduire cette fracture que vous avez à juste titre rappelée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans ce but, nous devons avoir un service public accessible de façon physique. Il faut des voix et des visages. Notre investissement dans le réseau France Services est l’un des volets de la réponse que nous devons apporter.

Aujourd’hui, le réseau France Services fonctionne : il représente 2 600 espaces situés à moins de trente minutes pour 98 % de nos concitoyens, voire à moins de vingt minutes pour 92 % d’entre eux. Il fonctionne aussi grâce à la qualité du service qui y est rendu. Je rappelle souvent que, huit fois sur dix, nos concitoyens voient leurs démarches administratives traitées. Sur ce point, les retours sont bons.

Faut-il pour autant s’arrêter là ? Absolument pas ! Au contraire, il nous faut poursuivre l’investissement dans le réseau France Services et partir pour cela des territoires.

Comme je l’ai annoncé, nous finançons l’ouverture de 150 espaces France Services supplémentaires dès l’année 2023 et nous avons sanctuarisé ce budget. Nous allons renforcer le financement apporté à chacun des espaces France Services dans un esprit et une démarche de partenariat avec les collectivités territoriales. Je rappelle que celles-ci prennent une part très importante dans le financement des espaces France Services. Grâce à un amendement du sénateur Bernard Delcros, pour chaque espace France Services, le ticket de financement a été porté de 30 000 à 35 000 euros, ce qui représente 12, 5 millions d’euros supplémentaires. Nous allons poursuivre sur cette trajectoire en mobilisant les opérateurs.

Nous devons aussi renforcer la formation. J’ai ainsi annoncé le doublement du temps de formation des agents du réseau France Services, là encore en mobilisant les opérateurs.

Nous devons enfin élargir le bouquet de services apportés à nos concitoyens. Je pense aux expérimentations menées avec les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), avec la Banque de France, avec MaPrimeRénov’ pour intégrer cette politique publique essentielle dans le réseau France Services et monter en puissance.

Enfin, la troisième priorité, qui a été moins évoquée, concerne l’attention que nous devons porter aux agents des services publics. Pour que cet objectif soit atteint, il nous faut relever le défi de l’attractivité de la fonction publique, dont il est souvent question dans nos échanges.

Je rends hommage à celles et à ceux qui rendent le service public et j’ai une pensée particulière pour les quatre agents publics qui, ces derniers jours encore, ont donné leur vie en faisant leur métier, à savoir rendre le service au public. Nous leur devons beaucoup. Nous devons mieux les protéger, leur permettre d’avoir des parcours de carrière plus diversifiés et des rémunérations plus attractives. C’est tout l’objet du dialogue social intense qui est actuellement mené.

Nous devons également améliorer leurs conditions de travail. Le premier employeur du pays doit penser les questions de transformations du rapport au travail et s’engager sur des promesses portant sur l’amélioration de l’organisation des services, le temps de travail, la transformation des espaces de travail, la santé au travail ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes, thématiques qui nous ont rassemblés voilà quelques jours, ici même.

Si nos services publics fonctionnent et si le défi de l’amélioration de nos services publics peut être relevé, c’est grâce aux hommes et aux femmes qui rendent le service au quotidien. C’est avec eux que nous réussirons.

Monsieur le président Requier, je vous remercie d’avoir présenté avec l’ensemble des membres de votre groupe cette proposition de résolution, à laquelle je suis favorable et dont je partage l’ambition. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur ma détermination pour agir à vos côtés afin de renforcer l’accès à nos services publics.

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