Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les objectifs de ce premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale sont non seulement d'approuver les comptes de la sécurité sociale, mais également de tirer les enseignements de l'exécution de l'année achevée avant d'examiner à l'automne le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Loin d'être une simple compilation de données comptables, le projet de loi apparaît, jusqu'à ses annexes, très politique. Nous en ferons donc également une lecture politique.
Tout d'abord, la dynamique des comptes reste préoccupante, car si le solde des administrations de sécurité sociale est comparable à celui d'avant la crise sanitaire, la sécurité sociale, sans intégrer les autres administrations, est très déficitaire, en particulier la branche maladie, qui est toujours en attente du tournant préventif, mais aussi, comme cela est précisé dans les annexes, du fait de l'assèchement du financement de la protection sociale par des dispositifs alternatifs aux salaires, non soumis à cotisations, de moins en moins compensés, que vous n'avez de cesse de renforcer.
Ainsi, les composantes des rémunérations les plus dynamiques contribuent aujourd'hui le moins au financement de la sécurité sociale. En 2022, les exonérations ciblées non compensées sont en hausse de 11 %.
Le coût total des exonérations, allègements et exemptions d'assiette augmente fortement et atteint près de 80 milliards d'euros dans le champ des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
Le coût net des exemptions d'assiette dépasse 10 milliards d'euros, soit une hausse de 6 %. Alors même que, selon les annexes, il reste très difficile d'évaluer la perte de cotisations de sécurité sociale résultant de l'ensemble des dispositifs d'exemptions d'assiette.
La politique que vous menez et que vous accélérez a pour effet d'inciter les employeurs à contourner les augmentations pérennes de salaires.
Vous produisez ainsi, pièce par pièce, loi après loi – hier la loi pour la protection du pouvoir d'achat, demain le projet de loi relatif au partage de la valeur –, le déficit de la sécurité sociale, méthodiquement.
Pour éclairer la reconduction ou non de ces niches sociales, la loi organique de mars 2022 a prévu une évaluation de leur efficacité pour un tiers d'entre elles chaque année, afin que chaque mesure fasse l'objet d'une évaluation tous les trois ans. La loi prévoit non pas une évaluation des niches sociales tous les trois ans, monsieur le ministre, mais une évaluation d'un tiers des niches chaque année.
Il est temps, compte tenu des pertes de recettes que ces niches représentent pour la sécurité sociale quand elles ne sont pas compensées ou de leur coût pour le budget de l'état, de produire cette annexe, afin d'éclairer le Parlement.
D'autres annexes se révèlent non conformes aux obligations d'information, tant du Parlement que des citoyens : notons, comme la commission, l'absence de l'indicateur sur la création de places en crèches en 2021 et en 2022 alors que l'objectif était d'en créer 30 000 nettes de 2018 à 2022. Il est vrai qu'on est loin du compte, et ce alors que le nouveau plan quinquennal en promet désormais 100 000. Comment dès lors en juger ?
Le dépassement de l'Ondam était inévitable et semble programmé pour les exercices à venir. La Cour des comptes le note, « la progression moyenne annuelle sur la période 2023-2026 serait de 2, 9 %, soit à peine plus que l'inflation », alors que nous savons que l'évolution mécanique due au vieillissement démographique, à l'innovation médicale et aux maladies chroniques est de plusieurs points en volume.
Où est la sincérité des prévisions, messieurs les ministres, comme le sens des dépassements ? Le seuil d'alerte est dépourvu d'intérêt et n'entraîne pas de lois rectificatives, celles-ci étant réservées, semble-t-il, aux réformes de structure impopulaires.
Les excédents des branches famille, autonomie et AT-MP traduisent aussi l'insuffisance des politiques ou de leur mise en œuvre. Je ne reviens pas sur le plan en faveur des crèches. Les résultats de la branche famille en matière de lutte contre la pauvreté, qui concerne un enfant sur cinq, et de la branche AT-MP en matière d'accidents et de maladies professionnelles ne sont pas satisfaisants. Enfin, nous sommes toujours dans l'attente d'une loi en faveur du grand âge pour la branche autonomie. Il est ainsi des excédents non vertueux !
Nous n'insisterons pas sur le refus partiel de la Cour des comptes de certifier les comptes. Nous constatons simplement que, loin de permettre un chaînage vertueux de ce projet de loi et du futur projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce texte suscite plus de questions qu'il ne livre d'informations. Cette photo des comptes est non seulement floue, mais également en partie incomplète. Elle ne nous permet pas d'espérer une inflexion des politiques budgétaires à l'automne.
C'est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi. §