Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 3 juillet 2023 à 16h00
Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 — Rejet définitif en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 a été inauguré en bonne et due forme par un rejet de l'Assemblée nationale, par 134 voix contre 115, et le dépôt d'une motion de la majorité sénatoriale nous laisse présager un avenir tout aussi funeste au Sénat.

Nous nous en réjouissons par avance, d'autant que nous avions dénoncé, lors de l'adoption de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dite loi Mesnier, qui prévoyait la création de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, la volonté de rapprocher la présentation des comptes de la sécurité sociale de celle des projets de loi de finances, au mépris de l'autonomie budgétaire de la sécurité sociale, et ce dans le seul objectif de renforcer l'étatisation et la fiscalisation de notre système de sécurité sociale.

Ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, présenté comme une innovation et un progrès pour le contrôle parlementaire, n'est en fait qu'une compilation de certaines annexes du PLFSS. En réalité, ce texte ne vise qu'une seule chose : imposer de nouvelles restrictions des dépenses sociales.

En séance publique à l'Assemblée nationale, M. le ministre délégué chargé des comptes publics, qui n'est plus avec nous ce soir, a rendu un hommage appuyé aux 120 000 agents des caisses de sécurité sociale, et il vient de réitérer ces compliments devant le Sénat. Mais le 22 juin dernier, Le Canard enchaîné révélait que le Gouvernement avait l'intention de supprimer 1 720 postes à la sécurité sociale d'ici 2027 : drôle de façon de remercier ces agentes et ces agents !

Ces suppressions d'emplois s'ajoutent à celles des précédentes conventions d'objectif et de gestion, qui ont supprimé plus de 800 CDI entre 2018 et 2022 dans les CAF. Il ne faut pas s'étonner si la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille en raison d'une augmentation importante des paiements erronés, puisque les moyens humains ne sont pas suffisants pour faire face aux demandes et aux réformes décidées par le Gouvernement.

En 2022, la progression de l'Ondam était de 2, 2 % alors que les besoins étaient doubles, puisque la progression tendancielle des dépenses de soins est estimée à 4 %.

Entretemps, l'impact de l'inflation sur les dépenses de fonctionnement a été estimé à 1, 1 milliard d'euros supplémentaires, et la Fédération hospitalière de France a réclamé 2 milliards d'euros pour financer l'augmentation du point d'indice.

L'austérité imposée à la branche maladie en 2022 a conduit à la fermeture la nuit – je le rappelle – de 80 services d'urgences ; 131 établissements ont été concernés par des fermetures de lits et 30 % des patients atteints de maladies chroniques ont été contraints de reporter leurs soins. Des milliers de soignantes et soignants ont démissionné de l'hôpital.

Cette photographie des comptes de la sécurité sociale en 2022 illustre les conséquences de l'obstination du Gouvernement à assécher le budget de la santé.

Le rapport du mois de mars 2023 de l'Igas et de l'IGF a fait le point sur les mesures de réduction et d'exonérations de cotisations ou de contributions de sécurité sociale. Il a recensé 150 dispositifs pour les entreprises en 2022, soit un montant total de 67, 5 milliards d'euros, contre 59, 6 milliards d'euros en 2021. Pour 2023, ce montant atteindra 70, 8 milliards d'euros.

Vous allez m'objecter que ces mesures ciblées ont été compensées par l'État. Certes, monsieur le ministre, mais à hauteur de 91 %, ce qui laisse une ardoise de 2, 5 milliards d'euros à la sécurité sociale. Et je ne parlerai pas de ces 91 % de compensation, qui pourraient servir à développer les services publics !

Ce texte illustre également les conséquences du refus par le Gouvernement de prendre en charge les coûts de la pandémie de covid-19 et le transfert de l'addition à la sécurité sociale.

Sur la lutte contre la fraude sociale, le rapport de la Cour des comptes offre un éclairage intéressant, puisque la majorité de la fraude correspond à celle des employeurs au travail dissimulé, pour un montant estimé de 8 milliards d'euros. Vient ensuite celle des professionnels de santé, pour 4 milliards d'euros et, enfin, la fraude des assurés sociaux, qui arrive en dernier, avec 2, 5 milliards d'euros pour l'ensemble des prestations familiales. Nous sommes donc loin des discours véhiculés par certains pour stigmatiser les plus précaires et les étrangers.

Une fois de plus, ce texte illustre les choix du Gouvernement, qui s'obstine à refuser de dégager de nouvelles recettes en mettant à contribution les entreprises et les revenus financiers, comme notre groupe ne cesse de le proposer.

Vous préférez, monsieur le ministre, utiliser l'argent des assurés sociaux et des citoyens prélevé par l'impôt, la CSG et la TVA, pour financer les mesures d'exonération des cotisations patronales.

Pour toutes ces raisons, et par cohérence avec le fait que nous n'avons pas voté la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi. §

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