Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 3 juillet 2023 à 16h00
Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 — Rejet définitif en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, que nous avons souhaité décorréler du PLFSS. Auparavant expédiée à l'automne, l'approbation des comptes de l'année précédente fait aujourd'hui l'objet d'un projet de loi à part, présenté chaque année au mois de juin et accompagné d'un rapport de la Cour des comptes. Ces conditions d'examen doivent améliorer le pouvoir de contrôle du Parlement en matière de finances sociales.

Dans son rapport, la Cour des comptes estime qu'à travers les tableaux d'équilibre et le tableau patrimonial, le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 fournit une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde de la sécurité sociale.

Toutefois, d'autres éléments suscitent des préoccupations. C'est le cas du maintien dans le projet de loi de chiffres erronés pour 2021, ou de l'absence de mise à jour d'indicateurs nécessaires au suivi de l'efficacité et de l'efficience des politiques publiques, comme le nombre de places en crèches ou l'évaluation des niches sociales. C'est le cas également des comptes pour 2022 de la Cnaf et de la branche famille, que la Cour des comptes a refusé de certifier en raison d'une augmentation problématique du taux de paiements erronés, et qui ne sont d'ailleurs pas mentionnés en annexe de cette loi. Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre, pour faire baisser le nombre d'erreurs de paiement de la CAF ?

Les marges de progression attendues sont importantes. Sur ce point, je rejoins la rapporteure générale Élisabeth Doineau, que je salue au passage pour son travail et la pédagogie dont elle fait toujours preuve.

Mais rappelons qu'il s'agit d'un premier exercice, et je tiens, à ce stade de la discussion, à rappeler la position constante du groupe RDSE, qui est de s'opposer aux motions préalables et de toujours privilégier le débat.

Concernant la situation financière en 2022, si le solde global des administrations de sécurité sociale retrouve son niveau d'avant crise avec un excédent de 9 milliards, les régimes obligatoires de base demeurent, eux, très déficitaires.

C'est essentiellement la branche maladie qui plombe les comptes, avec un déficit de 21 milliards d'euros, du fait des restes de la crise sanitaire et des mesures prises face à l'inflation, que nous avons tous estimées nécessaires. Le déficit est toutefois moins élevé que prévu, et a diminué de plus de 4 milliards par rapport à 2021, grâce à des dépenses allégées sur le front de la covid-19.

Mais le montant des dépenses d'assurance maladie dépasse encore de 10 milliards d'euros l'Ondam fixé fin 2021. Avec les crises qui se succèdent, il devient manifestement de plus en plus difficile d'anticiper le niveau des dépenses. Je me joins donc à ceux qui réclament le rétablissement du seuil d'alerte en cas de risque de dépassement de l'Ondam et, au moins, un PLFSS rectificatif qui permettrait à la représentation nationale d'en débattre.

La branche vieillesse est, elle, déficitaire de près de 4 milliards d'euros. Pour faire face à cette situation, une réforme des retraites vient d'être adoptée, mais le Conseil d'orientation des retraites projette un déficit persistant et estime impossible de retrouver l'équilibre en 2030 alors que, début janvier, le président de cette même instance niait l'urgence de la réforme. Monsieur le ministre, considérez-vous que le modèle n'est pas viable sur le long terme et qu'une réforme plus globale est à envisager ?

S'agissant des branches famille et autonomie, toutes deux excédentaires, des questions se posent aussi sur les années à venir : le manque de places, notamment en crèches, et les fortes tensions de recrutement appellent à envisager des augmentations de dépenses, pour la petite-enfance et le médico-social. Une situation financière moins favorable doit donc être anticipée.

Ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale est aussi l'occasion de préparer le PLFSS pour 2024, mais surtout de se poser la question de la meilleure utilisation des finances publiques, non pas uniquement pour aboutir à un équilibre financier, certes nécessaire, mais surtout pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.

Face aux grandes transitions démographiques, technologiques et épidémiologiques que nous traversons, il serait illusoire d'espérer à système constant une baisse de nos dépenses de santé. Piloter l'Ondam uniquement de manière économique n'est pas suffisant.

Nous avons des leviers puissants, vertueux et efficaces à actionner, comme la prévention et l'éducation à la santé, et notre groupe souhaite attirer votre attention sur les attentes fortes des professionnels de santé sur le terrain.

Si des mesures utiles, comme la vaccination et les visites médicales obligatoires, ont été prises, il faut aller plus vite et plus fort, se fixer un cap en matière de prévention et s'inscrire dans une stratégie de moyen terme et long terme. Une loi de programmation pluriannuelle, proposée par le Sénat lors de l'examen des derniers PLFSS, peut être le véhicule adéquat d'une telle démarche.

Malgré ces points de vigilance, la majorité du RDSE ne s'opposera pas à l'approbation des comptes.

Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de l'Europe, a dit : « Les hommes n'acceptent les changements que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. » Je crois que le moment du changement est largement venu. §

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