Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui porte sur l'exécution du budget de la sécurité sociale pour 2022. Si les comptes de la sécurité sociale de l'année écoulée étaient jusqu'alors arrêtés à la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, leur approbation fait dorénavant l'objet d'un texte distinct. C'est une première.
À l'évidence, je me réjouis à l'idée que ce texte renforce l'information du Parlement et des citoyens sur la situation des comptes sociaux. Cette lumière faite est un maillon supplémentaire sur notre vie démocratique et elle accroît la transparence que nous devons à nos concitoyens.
Domaine aride, les finances publiques ne peuvent que s'apparenter à un long sentier, austère, ardu, escarpé. Pourtant, rien ne mérite davantage que l'on s'y aventure, en voyant loin, sinon clair, avec résolution et acharnement, mais non que l'on s'y abandonne. Parce qu'elles donnent corps, entre autres, à la sécurité sociale, grâce à l'effort consenti par nos concitoyens et nos entreprises, elles consolident notre pacte républicain, gage de solidarité. Oui, comme le ministre chargé des comptes publics l'a dit tout à l'heure, l'économie crée la richesse, ce qui finance la solidarité.
Toutefois, il nous faut éclaircir ce que les chiffres et les constats illustrent, puisque ceux-ci sont avant tout le reflet de choix politiques en matière de sécurité sociale. Pour le dire autrement : le déficit de la sécurité sociale est-il une fatalité ?
Pour l'année 2022, je ne peux que regretter la non-certification de la branche famille par la Cour des comptes, en raison, notamment, de l'augmentation de la proportion de paiements erronés. Sur la forme, la Cour a également déploré les dates de production, moyennant une réduction de quatre moins des délais d'analyse par les juridictions financières par rapport à la situation qui prévalait jusqu'en 2021. Quinze jours pour examiner les comptes et les rapports des commissaires aux comptes, mes chers collègues, vous vous en doutez, c'est bien trop peu.
Par ailleurs, en tant que rapporteure de la branche maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je constate, non sans un grand désappointement, que c'est de cette branche que provient la quasi-totalité de l'augmentation du déficit depuis la crise sanitaire. En effet, les dépenses de santé, après avoir augmenté lors de la crise sanitaire, n'ont pas diminué depuis, pour partie à cause de l'inflation, mais aussi en raison du Ségur de la santé.
Malgré tout, ces 21 milliards d'euros de déficit de la branche maladie ont permis d'assurer la prise en charge des dépenses de santé engagées alors que le déficit toutes branches, y compris le FSV, s'élève à 19, 6 milliards d'euros.
Permettez-moi de m'attarder sur l'Ondam. Si, de 2011 à 2019, l'Ondam a systématiquement été respecté, il ne l'a plus été depuis, en raison de la crise sanitaire et des mesures prises pour compenser l'inflation. Ainsi, l'exécution de 2022 montre une nouvelle fois un dépassement par rapport à la dernière prévision actualisée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Ce dépassement est, cette année encore, substantiel par rapport à la prévision initiale, puisqu'il se chiffre à plus de 10, 4 milliards d'euros et qu'il n'est plus uniquement imputable à la crise sanitaire.
Ainsi, mes chers collègues, l'Ondam, qui atteint désormais environ 250 milliards d'euros, ne semble pas pilotable, contrairement à ce que nous a affirmé en commission le directeur de la Cnam. Pis, il n'est pas à même de rendre compte au législateur des actes effectifs des dépenses et des choix politiques du Gouvernement, encore moins de les arbitrer. Cela était vrai en loi de financement initiale ; c'est désormais vrai en loi d'approbation.
La question du pilotage de l'Ondam est clairement posée. Au moins, le Parlement devrait pouvoir l'examiner sous sous-objectif par sous-objectif. Cette demande me paraît légitime : comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le budget de la sécurité sociale est bien supérieur au budget de l'État, dont les missions se voient souvent allouer des montants inférieurs à ceux de chacun des sous-objectifs de l'Ondam, et elles sont votées une par une.
Pour 2023, le comité d'alerte, dans son avis du 7 juin, a appelé à une grande vigilance. La Cour des comptes semble porter le même discours d'alerte et souligne que la progression de l'Ondam actuellement prévue est inférieure à la dynamique d'inflation, ce qui conduira à exercer une forte contrainte, évidemment inacceptable, sur les acteurs de santé, qu'il s'agisse de l'hôpital public ou des acteurs du médico-social. Le comité d'alerte doit jouer pleinement son rôle !
Je vous le dis, cela n'est plus tenable : nous avons besoin d'un Ondam sincère et utile, avec un découpage fin des dépenses, qui distingue notamment celles qui sont liées à des remboursements répondant aux assurances sociales des dépenses pilotables que sont les dotations.
Nous ne devons pas perdre de vue notre objectif : la recherche constante d'un équilibre dans la maîtrise de l'évolution des dépenses pour améliorer, chemin faisant, l'état de santé des Français.
Enfin, je citerai le constat, aussi explicite qu'alarmant, de la Cour des comptes, selon lequel il existe « des risques élevés portant sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme ». La Cour estime qu'il « n'est plus possible de repousser le nécessaire redressement des finances publiques », et donc des comptes sociaux. Il est fini, le temps où la dette rapportait de l'argent...
À ce jour, la Cades peut absorber une dette de 8, 8 milliards d'euros, quand le déficit de la sécurité sociale prévu pour 2023 est de 8, 2 milliards d'euros !
L'examen des comptes de la sécurité sociale est indispensable au travail de contrôle qui nous échoit en tant que parlementaires, a fortiori lorsque ceux-ci sont le reflet de choix politiques en matière de solidarité et de santé.
Tout cela s'inscrit dans un contexte où la médecine de ville est toujours aussi fragile, où les hôpitaux n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité de 2019, c'est-à-dire d'avant la pandémie : ils présentent des déficits importants et les établissements accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées présentent eux aussi des déficits, les uns et les autres étant confrontés de surcroît à des difficultés de recrutement.
Enfin, considérant l'avis de la commission des finances de notre Haute Assemblée, et même si, nous aussi, sommes très attachés au débat, faute d'annexe exacte, et compte tenu de la non-conformité à la loi organique, au nom du groupe Les Républicains, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la motion tendant à opposer la question préalable présentée par Mme la rapporteure générale Élisabeth Doineau, dont je salue le travail. §