Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 26 juillet 2023 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 — Rapport annexé précédemment réservé suite

Photo de Sébastien LecornuSébastien Lecornu :

La présomption de causalité entre les essais nucléaires et les différentes maladies diagnostiquées existe déjà, en particulier depuis la mise à jour de la loi de 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin.

À l’Assemblée nationale, j’ai fait une très longue réponse sur ce sujet. Les députés de Polynésie avaient en effet déposé un premier amendement portant sur les pollutions des sols, un autre, plus classique, sur le contrat de redynamisation de site de défense (CRSD), et un troisième, le plus délicat à bien des égards, qui avait trait aux victimes des essais nucléaires. Je souhaite replacer votre amendement, madame Gréaume, dans ce contexte, celui d’un dialogue que j’ai eu avec ces députés.

Ce que l’on a essayé de faire – j’ajoute que je m’étais déjà beaucoup mobilisé sur ce dossier comme ministre des outre-mer –, c’est de « recaréner » les moyens du Civen de sorte qu’il puisse traiter vite l’ensemble des dossiers.

Or nous nous sommes très rapidement aperçus que le problème tenait surtout au manque de proximité et d’« aller vers », comme on dit aujourd’hui. Certains atolls de Polynésie n’avaient jamais reçu la visite de qui que ce soit sur ces questions…

Je rappelle du reste que, lorsque l’on parle d’essais nucléaires dans ce contexte, il n’est question que des essais atmosphériques, puisque ce sont eux qui ont pu créer des problèmes, et non les essais souterrains. J’ajoute que ces essais ont débuté en 1966.

Nous avons en tout cas développé le « aller vers ». Je vais vous livrer des chiffres, que j’ai déjà cités à l’Assemblée nationale, à la fois parce qu’ils me semblent intéressants et qu’ils permettent de répondre à l’interpellation du rapporteur : globalement, entre 2010 et 2021, c’est-à-dire au cours de la première période d’application de la loi Morin, 579 dossiers ont été traités ; depuis 2022, ce sont 237 dossiers qui l’ont été.

Cela signifie qu’en l’espace d’un peu plus d’un an plus de 200 dossiers ont été traités, quand il a fallu dix ans pour en examiner 500. Cette stratégie nous permet – enfin ! – d’ouvrir des droits à un grand nombre de victimes.

C’est essentiel, d’autant que, si vous connaissez ce territoire, vous devez savoir qu’il y a une forme de pudeur chez les Polynésiens, qui les retient justement de demander à faire valoir leurs droits.

Lorsque j’étais ministre des outre-mer, et sur instruction du Président de la République, Florence Parly et moi-même avions décidé qu’il fallait changer complètement de méthodologie et qu’il était temps désormais d’aller au contact de la population pour savoir si telle ou telle personne respectait ou non les différents critères d’éligibilité.

Le dernier volet, que le président de séance doit bien connaître pour avoir été ministre de la défense au lendemain des derniers essais nucléaires, a évidemment trait à la question de l’ouverture des archives. Seule une centaine de documents restent classifiés. Des milliers d’autres ont été déclassifiés, ce qui permet aux Polynésiens, comme aux chercheurs, de se faire une opinion sur les événements qui se sont déroulés.

Je souhaiterais en outre apporter une petite précision, qui me donnera l’occasion de me reprendre : à chaque fois que j’ai évoqué les victimes des essais, j’ai parlé des Polynésiens ; or il y a aussi, parmi ces victimes, les personnels de la défense, civils et militaires, qui travaillaient à Mururoa, plus rarement à Fangataufa et pour beaucoup d’entre eux à Hao, la base aérienne de soutien de ces essais.

Dernier point d’attention : le Civen fonctionne aussi pour l’Algérie. Dans ce pays, après les essais qui ont eu lieu à In Ecker et à Reggane, plus anciens qu’en Polynésie, beaucoup de personnels civils et militaires sont eux aussi de potentielles victimes.

Je l’ai rappelé lors de la visite du Président de la République en Algérie, et redit au général Chengriha et à l’ensemble de mes interlocuteurs : nous sommes évidemment tout à fait disposés à traiter tous les dossiers qui concerneraient les victimes des essais nucléaires français en Algérie.

Il n’y a plus qu’à faire…

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

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