Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022, qui est aux comptes sociaux ce que la loi de règlement est aux comptes de l’État. Suivant une tendance récente, ce projet de loi a été rejeté par l’Assemblée nationale. La commission des finances, saisie pour avis, a émis sur ce texte un avis défavorable. Je vais brièvement en exposer les raisons.
Le tableau présenté à l’article 1er, qui concerne les comptes de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), fait apparaître un déficit de 19, 6 milliards d’euros, dont un déficit de 21 milliards d’euros pour les cinq branches de la sécurité sociale et un léger excédent de 1, 3 milliard d’euros pour le FSV.
La situation de la branche maladie, toujours en rémission après la crise sanitaire, est particulièrement préoccupante : elle concentre à elle seule un déficit aussi important que celui de l’ensemble de la sécurité sociale, de 21 milliards d’euros. Les dépenses sont en effet plus élevées que les recettes.
Je commence par les recettes. Les ressources de la sécurité sociale et du FSV ont dépassé les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale de 2022 : elles s’établissent à 572 milliards d’euros. Cette progression rapide résulte essentiellement d’une conjoncture favorable, et non d’un quelconque effort en recettes du Gouvernement. La croissance de la masse salariale du secteur privé, sur laquelle sont assises les cotisations sociales, a ainsi crû de 8, 7 % en 2022, mais il s’agit là d’une situation exceptionnelle, qui a toutes les chances de ne pas se reproduire. La progression des recettes est donc vouée à ralentir.
J’en viens aux dépenses. Les charges nettes de la sécurité sociale et du FSV se sont élevées en 2022 à 591, 6 milliards d’euros, en augmentation de 24, 3 milliards d’euros par rapport à 2021 et, surtout, de 21 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale de 2022. La situation sanitaire dégradée du fait de la vague Omicron, les 12, 7 milliards d’euros consacrés au Ségur de la santé et les revalorisations des prestations de 1, 8 % au 1er avril, puis de 4 % au 1er juillet 2022, en sont responsables.
Les dépenses de la branche maladie, et singulièrement de l’Ondam, se distinguent par leur dynamisme : l’Ondam connaît ainsi un dépassement de 4, 4 %.
La situation des autres branches est contrastée. Celle de la branche vieillesse est préoccupante : elle connaît un déficit de 3, 8 milliards d’euros en 2022, principalement du fait des revalorisations des prestations. Ce déficit devrait se dégrader dans le futur, notamment en raison du déficit croissant de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Les branches famille et autonomie, si elles conservent des excédents, respectivement de 1, 9 milliard et 0, 2 milliard d’euros, les voient d’ores et déjà se réduire, car la progression de leurs dépenses est plus rapide que celles de leurs recettes. Seule la branche accidents du travail-maladies professionnelles bénéficie d’excédents solides.
Les comptes de la sécurité sociale sont donc déficitaires, mais certains sont aussi de plus en plus insincères. En effet, l’exercice 2022 a été marqué par le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche maladie et de la Cnaf. Un quart des montants versés au titre de la prime d’activité est ainsi affecté d’erreurs non corrigées neuf mois après leur paiement. La nécessité de mieux lutter contre les abus et contre la fraude sociale, que le Sénat a maintes fois défendue, s’en trouve réaffirmée. En tout état de cause, nous ne pouvons pas donner quitus au Gouvernement de sa gestion dans ces conditions.
Je dirai un mot, pour terminer, sur l’endettement social. En 2022, la dette sociale a atteint un pic inédit de 161, 1 milliards d’euros. Or la diminution programmée des ressources de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), la remontée des taux d’intérêt vers des hauteurs vertigineuses et la probabilité grandissante que de nouveaux passifs soient transférés à la Cades, compte tenu de la dégradation prévisible des comptes sociaux, font craindre un nouveau report de l’horizon d’extinction de la dette sociale, au-delà de 2033.
Le tableau que je vous peins est sombre : des recettes dont la dynamique ne manquera pas de s’épuiser, des dépenses mal maîtrisées en constante augmentation, un solde qui demeure fermement négatif et un endettement social inédit. Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission des finances vous invite à rejeter ce projet de loi.