Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi a pour objectif de réduire le chômage en recourant à deux leviers principaux : d’une part, unifier et renforcer l’accompagnement de toutes les personnes dépourvues d’emploi, en donnant une portée plus efficace à leurs engagements ; d’autre part, faire coopérer les acteurs de l’emploi et de l’insertion au sein d’un réseau France Travail, cadre de gouvernance rénové développant des outils partagés.
Nous souscrivons à cet objectif et partageons les constats de la mission de préfiguration de France Travail, à savoir qu’il existe un accompagnement inégal des personnes sans emploi et un suivi insuffisamment coordonné.
Toutefois, sans moyens pour y parvenir, ce projet est illusoire. L’intensification de l’accompagnement des demandeurs d’emploi nécessite des financements à la hauteur, ce que ne prévoit pas le texte.
La coordination des acteurs et l’harmonisation des pratiques ne sauraient se transformer en cadre contraignant et uniforme imposé par l’État.
Enfin, changer les outils et les méthodes du service public de l’emploi suppose, si l’on veut qu’ils soient réellement adaptés, d’associer à leur conception et à leur pilotage l’ensemble des acteurs de terrain, qui doivent préserver leurs prérogatives. Je pense, par exemple, aux missions locales.
Lutter efficacement contre le chômage implique de s’attaquer aux principaux freins périphériques à l’emploi. Le projet de loi consacre un article à la garde d’enfants, mais il reste bien d’autres freins à lever : le logement, la santé, l’éducation, ou encore l’accès à la médecine du travail.
C’est dans cet esprit que la commission des affaires sociales a modifié le texte.
Concernant la gouvernance, la commission a approuvé la création d’un réseau France Travail à l’article 4. Il réunira l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi et de l’insertion, afin de renforcer leur coordination et de favoriser une prise en charge harmonisée de l’ensemble des personnes sans emploi.
Nous avons précisé que les acteurs du réseau devront répondre aux besoins des employeurs, en complément de leur mission d’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Pour que les outils communs soient définis de manière concertée et qu’ils puissent être adaptés au niveau local, nous avons voulu renforcer les prérogatives des comités de pilotage créés aux niveaux national et territorial.
La commission a ainsi prévu que l’État, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux, qui siégeront dans le comité national France Travail, identifieront les besoins pluriannuels de financement pour la mise en œuvre des missions d’accompagnement. Il ne s’agit pas là de fixer par avance le budget de l’État ou des collectivités, mais de donner davantage de visibilité aux acteurs.
Nous avons aussi souhaité que l’ensemble des référentiels et des cahiers des charges, notamment pour l’orientation des bénéficiaires ou pour l’interopérabilité des systèmes d’information, soient définis par ce comité plutôt que par arrêté ministériel.
Au niveau local, nous avons considéré qu’il importait de mieux associer les associations d’élus en vue de la constitution des comités, sans pour autant figer dans la loi la composition complète des instances de gouvernance : il convient de laisser des marges de manœuvre aux acteurs locaux.
Enfin, au sein de ce réseau, nous avons approuvé le rôle confié à Pôle emploi, qui consiste à exercer des missions d’appui et de conception d’outils au profit des acteurs du réseau, dans la mesure où il se conformera aux orientations définies par l’État, les collectivités et les partenaires sociaux.
En revanche, la commission n’a pas souhaité que Pôle emploi prenne le nom d’opérateur « France Travail ». L’opérateur ne saurait avoir le même nom que le réseau des acteurs de l’emploi : cela risquerait de créer de la confusion entre les rôles des uns et des autres et de laisser planer une suspicion de hiérarchie entre les différents acteurs. J’ai beaucoup entendu cette crainte s’exprimer.
Le projet de loi ne modifie pas la dénomination des missions locales ou des Cap emploi. Pourquoi Pôle emploi changerait-il de nom ? Cet établissement est aujourd’hui bien identifié par les usagers ; de plus, ce changement de nom sera coûteux, alors que d’importants moyens sont nécessaires pour accompagner les demandeurs d’emploi.
J’en viens aux dispositions relatives à l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du revenu de solidarité active.
Afin que toutes les personnes sans emploi puissent s’inscrire dans un parcours d’accompagnement vers l’emploi et être orientées vers l’organisme le plus adapté à leur situation, la commission a approuvé, à l’article 1er, le principe de l’inscription automatique sur la liste des demandeurs d’emploi de toutes les personnes en recherche d’emploi, y compris les bénéficiaires du RSA.
La commission a également adopté l’article 2, qui tend à unifier les droits et devoirs de toutes les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi au sein d’un nouveau contrat d’engagement.
Toutefois, cet article ne traduisait pas l’objectif, pourtant affiché par le Gouvernement, de mobiliser les personnes éloignées de l’emploi pendant une durée hebdomadaire prédéfinie. La commission a souhaité que le contrat d’engagement précise la durée hebdomadaire d’activité qu’il sera demandé au demandeur d’emploi d’accomplir. Cette durée devra être d’au moins quinze heures.
Concernant plus particulièrement les bénéficiaires du RSA, la commission a validé la création d’une sanction de suspension du versement de l’allocation, dite de « suspension-remobilisation », à l’article 3.
En revanche, afin de ne pas compromettre l’efficacité du dispositif, elle a limité les sommes pouvant être versées rétroactivement au bénéficiaire se conformant de nouveau à ses obligations à trois mois de RSA.
De plus, la commission a souhaité que le président du conseil départemental reste compétent pour, éventuellement, sanctionner un bénéficiaire du RSA. Toutefois, notre position pourra évoluer sur ce point, une corde de rappel pouvant être utile.
L’article 7 réserve à l’État la compétence d’organiser des marchés nationaux en matière de formations ouvertes et à distance (FOAD), et précise que la mise en œuvre des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric) devra désormais tenir compte les besoins des entreprises et des secteurs qui ont des difficultés de recrutement.
Si la commission partage cette attention portée aux besoins des filières en tension, elle n’a pas souhaité conserver la possibilité de marchés nationaux pour la formation ouverte et à distance ; elle a en outre tenu à préciser que l’offre de formation des demandeurs d’emploi proposée par l’État devait prendre en compte les besoins identifiés par les acteurs régionaux via les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop).
Le projet de loi contient également des mesures en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap, conformément à certains des engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap.
Ainsi, l’article 8 permettra de faciliter les démarches des travailleurs en situation de handicap, en étendant à toutes les catégories de bénéficiaires de l’obligation d’emploi les droits associés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
La commission a adopté des amendements qui tendent à rétablir la prise en compte de la lourdeur du handicap pour moduler la contribution de l’employeur à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), et qui visent à prendre en compte, au titre de l’obligation d’emploi, les jeunes en situation de handicap ne bénéficiant pas d’une RQTH.
L’article 9 fait évoluer les droits des travailleurs en établissement et service d’aide par le travail de sorte qu’ils convergent vers les droits des salariés.
La commission a soutenu ces mesures d’équité en faveur des travailleurs en situation de handicap. Toutefois, elles posent la question de la capacité des Ésat à les prendre en charge, alors que ces structures sont déjà fragiles. Il est donc nécessaire que le Gouvernement donne des garanties sur le soutien qu’il entend apporter à ces établissements.
J’en viens enfin à la gouvernance de la politique de l’accueil du jeune enfant.
Nous avons approuvé l’attribution aux communes du rôle d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant. Il s’agit en réalité de reconnaître une compétence qu’elles exercent déjà largement.
Les maires ont à cœur de répondre aux besoins et aux attentes des familles : ils le font déjà dans la mesure de leurs capacités. En effet, confier aux communes de nouvelles compétences doit s’accompagner de compensations financières. Nous attendons des engagements du Gouvernement en la matière.
Nous avons en revanche supprimé de cet article 10 la définition par arrêté ministériel d’une stratégie nationale de la politique d’accueil du jeune enfant, car nous considérons que le Gouvernement n’a pas besoin de la loi pour prendre de telles orientations.
Nous avons aussi supprimé la possibilité offerte au préfet de se substituer au maire en cas de manquement. Cette procédure n’est pas acceptable : nous pouvons faire confiance aux maires pour ce qui est de répondre aux besoins des familles.
En définitive, la commission a modifié le texte pour le rendre plus concret et plus adapté aux besoins locaux. Je vous invite donc à l’adopter.