Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 10 juillet 2023 à 16h00
Plein emploi — Discussion générale

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

… avec ce projet de loi dit « pour le plein emploi ».

Le plein emploi : telle est l’ambition affichée du Gouvernement, certes, mais à quel prix – la précarisation et la paupérisation de notre société…

Ce texte traduit une vision purement adéquationniste de l’emploi. Il y aurait, d’un côté, les gens qui ne travaillent pas, que l’on propose d’inscrire obligatoirement sur la liste des demandeurs d’emploi, et, de l’autre, les entreprises qui peinent à recruter. Pour arriver au plein emploi, il suffirait d’assurer une mise en relation en sanctionnant les personnes qui n’obéissent pas à cette logique. Cette idée simple, pour ne pas dire simpliste, aura des conséquences dramatiques pour certains de nos concitoyens.

En préambule, j’insiste sur un point qui me paraît particulièrement problématique. Le Gouvernement inscrit la réforme d’un droit social, à savoir le revenu de solidarité active, dans un projet de loi portant sur le travail, donc réformant le code du travail.

Bien loin de la logique originelle du RMI, revenu minimal de subsistance destiné à sécuriser les personnes et à favoriser une sortie de la pauvreté, le Gouvernement définit le RSA non plus comme un droit social, mais comme un dispositif de recherche d’emploi. De même, le durcissement des conditions et sanctions imposées aux bénéficiaires du RSA semble supplanter la volonté d’accompagnement.

Rappelons-le : une suspension du RSA peut avoir des conséquences dramatiques pour des personnes dont le quotidien n’est que survie. Cette mesure ne fait que stigmatiser un peu plus les bénéficiaires de ce revenu.

En parallèle, le présent texte témoigne d’une volonté de recentraliser la gestion des demandeurs d’emploi : il déshabille ainsi les régions et départements de compétences exclusives.

Enfin, la problématique du financement durable de ces mesures doit être soulevée. Le Gouvernement a pour ambition d’assurer un meilleur accompagnement : nous l’entendons, bien sûr. Mais quels moyens humains et financiers compte-t-il mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ? Les chiffres qu’il a présentés nous semblent bien en deçà des besoins effectifs.

Monsieur le ministre du travail, le problème du financement est pourtant particulièrement important. Or, au nom de votre dogme néolibéral de réduction du déficit public, vous vous contentez de proposer une baisse des dépenses publiques ou des exonérations fiscales pour les entreprises sans jamais envisager de recettes nouvelles. Je crains qu’un tel choix ne se fasse aux dépens de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

De plus, votre texte présente de grandes lacunes ; il s’agit pourtant de sujets primordiaux quand on parle de travail.

Vous prônez la valeur travail, soutenu en cela par la majorité sénatoriale. Mais qu’en est-il de la valeur accordée au travail, aux conditions de travail et à la juste rémunération du travail ? Vous visez le plein emploi, quoi qu’il en coûte, mais quel plein emploi ? Celui des temps partiels et des contrats courts ? La question de la qualité de l’emploi est totalement absente de votre texte.

De la même manière, la lutte contre la pauvreté ne semble pas être une priorité pour ce gouvernement. Bien au contraire, ce projet de loi ne tendra qu’à faire passer des gens de la précarité à la grande pauvreté !

La question du non-recours aux droits, phénomène qui sera aggravé par l’adoption de ce texte, est également absente, alors même que le Gouvernement l’a érigée en priorité ; il n’y a pas une ligne non plus sur le reste à vivre !

Enfin, il s’agit d’un texte relatif au travail qui ne traite pas des leviers utiles à la reprise d’activité pour lever les freins à l’emploi, sauf en ce qui concerne la petite enfance, j’en conviens, monsieur le ministre.

Farouches défenseurs des droits sociaux, du service public de l’emploi et de la lutte contre la pauvreté, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain porteront des propositions pour un accompagnement plus humain, juste et efficace des personnes sans emploi. Nous voterons contre ce texte qui ne s’inscrit pas dans une telle logique.

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