Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en ce début d’après-midi le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
Dans le temps qui m’est imparti, en remplacement de notre rapporteur Albéric de Montgolfier, je soulignerai tout d’abord l’efficacité et la qualité du travail du Parlement. Nous avons en effet examiné ce texte au Sénat le 24 mai dernier et nous nous retrouvons déjà pour discuter des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP).
Le calendrier, très contraint pour le premier texte entièrement consacré aux douanes depuis plusieurs décennies – il faut le souligner –, témoigne de l’importance des enjeux.
Ce projet de loi répond à la décision du 22 septembre dernier du Conseil constitutionnel, qui a déclaré non conforme à la Constitution le droit de visite des agents des douanes et laissé au législateur jusqu’au 1er septembre 2023 pour modifier ce dispositif et l’assortir des garanties nécessaires à son bon exercice.
Ce calendrier ne pouvait toutefois servir de prétexte pour nous empêcher d’examiner les dispositions de ce texte avec tout le sérieux et les exigences nécessaires, s’agissant en particulier des articles visant à étendre et à moderniser les prérogatives douanières. Notre position au Sénat est claire : elle repose sur un principe et sur une approche.
Ce principe, c’est l’impératif d’encadrer les nouvelles prérogatives octroyées aux douaniers sans pour autant entraver leurs actions, qui sont absolument essentielles pour lutter contre la fraude, les trafics de toute nature ou les organisations criminelles.
L’approche du Sénat, défendue par son rapporteur en commission mixte paritaire, consiste à souligner que ce texte doit être considéré dans son ensemble pour évaluer l’économie générale qui en résulte, les dispositifs ne pouvant être considérés indépendamment les uns des autres.
Albéric de Montgolfier tient à cet égard à remercier la rapporteure de l’Assemblée nationale, notre collègue députée Nadia Hai. Leurs échanges ont été riches, constructifs et fructueux. Ils ont permis d’aboutir à un texte commun, dans lequel les apports du Sénat sont, dans leur très grande majorité, préservés.
Je commencerai toutefois par émettre une critique concernant l’ajout, sur l’initiative du Gouvernement et en séance à l’Assemblée nationale, d’un amendement visant à transformer le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en un Office national antifraude (Onaf).
Sans revenir sur le fond, monsieur le ministre, la forme apparaît particulièrement critiquable : ce changement majeur intervient par le biais d’un simple amendement, sans étude d’impact ; le périmètre du SEJF est étendu à l’ensemble des fraudes aux finances publiques, sans extension de moyens en parallèle, alors même que ce service est déjà surchargé ; enfin, on peut déplorer l’absence de toute précision sur la coordination avec les autres services d’enquête. Ce n’est pas, me semble-t-il, une bonne manière de procéder.
Ce point étant souligné, et pour finir sur une note plus positive, je citerai quatre apports majeurs du projet de loi.
Premièrement, alors que nous prônons cette disposition depuis cinq ans, en particulier depuis la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, le présent texte prévoit enfin une mesure visant à améliorer la lutte contre la fraude à la détaxe de TVA.
C’était aussi l’une des recommandations de la mission d’information de la commission des finances relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, que nous avions voulu reprendre, sans succès alors, dans le projet de loi de finances pour 2023. Je me félicite que nous soyons enfin parvenus à faire entendre nos arguments au Gouvernement.
Deuxièmement, nous avons renforcé plusieurs prérogatives douanières. Par exemple, pour ce qui concerne la retenue temporaire des précurseurs non classés, qui peuvent servir à produire des drogues de synthèse, nous avons prévu que ces produits puissent faire l’objet d’une retenue lorsqu’ils ont été introduits sous couvert d’une fausse déclaration, et pas seulement en l’absence de déclaration.
Troisièmement, nous avons fait en sorte de mieux encadrer toutes les dispositions relatives aux données personnelles des personnes pouvant faire l’objet d’une retenue douanière ou d’une visite domiciliaire. Nous avons également encadré les deux articles qui visent à permettre aux agents des douanes de conduire certaines de leurs procédures de manière anonyme.
Quatrièmement, s’agissant de la prévention des infractions commises par internet, on ne peut que se féliciter que le texte comprenne la possibilité, pour les agents des douanes, de demander au tribunal judiciaire de prononcer une astreinte à l’encontre des plateformes qui ne se soumettraient pas aux demandes de retrait des contenus constituant le moyen de commettre une infraction.
Alors que le Gouvernement avait opposé, là encore, un refus catégorique à tout mécanisme de sanction, il a finalement changé d’avis. C’était primordial pour donner sa pleine portée au dispositif.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter les conclusions de la commission mixte paritaire.