Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous l’avons déjà dit, la formation est une question très importante pour notre société. Elle est liée à la qualité des emplois, aux salaires, à la compétitivité de nos entreprises et au développement de notre économie.
Au cours de leur vie professionnelle, nos concitoyens sont et seront de plus en plus conduits à changer d’emploi, voire de métier. Ils sont de plus en plus confrontés à une mobilité professionnelle, qui se conjugue avec une flexibilité de l’emploi. La formation et la sécurisation du parcours professionnel doivent donc constituer des outils permettant de faire face aux changements qui leur sont imposés.
Nous n’allons évidemment pas refaire le débat. Le déroulement de nos travaux a confirmé l’inaboutissement de ce projet de loi, qui aurait nécessité des débats préparatoires, des confrontations de points de vue, des éclaircissements indispensables. Nous avons dénoncé la procédure accélérée. Nous ne pensions pas avoir autant raison. Jean-Claude Carle a ainsi rappelé dans son intervention combien il aurait été nécessaire d’avoir deux lectures.
De ce texte d’importance naît un patchwork dans lequel je ne suis pas sûre que nos concitoyens, qu’ils soient salariés, chômeurs ou chefs d’entreprise, s’y retrouvent davantage aujourd’hui qu’hier. Les contacts que nous avons eus avec les partenaires sociaux, qu’ils soient représentants des employeurs ou représentants des salariés, nous confirment le mécontentement ressenti.
À l’issue de nos travaux, je crois que l’on peut dire que l’accord interprofessionnel a presque été trahi. Pourtant, il y avait des aspects positifs dans cet ANI du 7 janvier 2009 telle la formation des demandeurs d’emploi dans une société qui compte plus de 3, 5 millions de chômeurs, si l’on additionne les catégories A, B et C, et 2, 5 millions de chômeurs pour la seule catégorie A, soit 25 % de plus depuis un an.
La portabilité du droit individuel à la formation, la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels doté par les contributions légales des entreprises, l’extension du contrat de professionnalisation aux bénéficiaires des minima sociaux et des titulaires de contrats aidés sont autant de points positifs.
Néanmoins, il manque des éléments importants dans la transcription de cet accord tels que la « formation initiale différée », alors que des dizaines de milliers de jeunes sortent depuis des années du système de formation initiale sans qualification ni diplôme. Or ce sont ceux-là qui rencontrent les plus grandes difficultés au moment de leur insertion professionnelle, puis en cas de rupture professionnelle. Ils sont plus nombreux à être chômeurs de longue durée, voire allocataires de minima sociaux.
Un autre manque important est l’absence de liens, ou presque, entre la formation professionnelle initiale et continue, si ce n’est celle que préconise l’article 2, qui n’a qu’une portée déclarative et non prescriptive.
On ne voit aucune avancée non plus en matière d’apprentissage, même s’il nous reste encore un amendement à examiner sur ce sujet ce soir. Sa réglementation mériterait, nous l’avons dit et répété, une plus grande simplification et une plus grande transparence.
Aujourd'hui, la validation des acquis de l’expérience reste trop confidentielle – Mme la présidente de la commission spéciale à la suite de réflexions que nous avons eues propose la mise en place d’une mission pour examiner l’application de cette validation, pour tirer profit des expériences qui ont pu avoir lieu – tout comme le manque de détermination que vous avez mis à améliorer l’accès à la formation des salariés à temps partiel et, globalement, des populations fragilisées.
Le projet de loi génère des sources d’inquiétude. Sur le deuxième volet du projet de loi, le volet gouvernemental, notre avis diffère encore plus de vos conclusions.
Ainsi, les dispositions concernant le droit à l’orientation n’apportent aucune réponse concrète aux besoins des jeunes et des adultes, qui doivent être accompagnés et conseillés dans leur parcours d’orientation et leur parcours professionnel.
Sur l’orientation toujours, le Gouvernement a estimé nécessaire d’ajouter de la confusion à la complexité autour des compétences du délégué interministériel à l’information et à l’orientation. Je précise d’ailleurs que le délégué interministériel à l’orientation existe déjà. En outre, les contacts que nous avons eus avec les acteurs de l’orientation montrent que ceux-ci ne sont guère rassurés.
La remise en cause de l’obligation scolaire jusqu’à seize ans a été introduite via un « petit » amendement. Des jeunes de quinze ans pourront donc intégrer un CFA pour y suivre une formation « sous statut scolaire ». Pour notre part, nous avions déposé un amendement demandant que soit instaurée une obligation de formation jusqu’à dix-huit ans. Vous l’avez rejeté. Or n’est-ce pas en d’autres termes ce que vient de demander voilà quelques jours, sur l’initiative du haut-commissaire à la jeunesse, le Président de la République ? Quelle est la cohérence entre ces différentes déclarations ?
Ce texte marque aussi une nouvelle étape dans l’entreprise de destruction du service public et spécifiquement du service public de l’emploi.
Sur la forme, votre mode opératoire n’a pas changé. Sans guère de concertation, vous décrétez !
Sur le fond, l’introduction d’opérateurs privés dans la préparation de l’accès à l’emploi – les bilans qui viennent d’être publiés dans la presse montrent que les opérateurs privés n’obtiennent pas de meilleurs résultats que les opérateurs publics –, comme le transfert des psychologues de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, à Pôle emploi, dans un climat bien peu propice, participent à cette entreprise de destruction. Comment peut-on imaginer, alors que Pôle emploi rencontre déjà des difficultés à faire cohabiter des gens exerçant des métiers différents, que l’intégration des psychologues pourra être simple ?
Il convient également de mentionner la recentralisation du pilotage de la formation professionnelle, contre l’avis des partenaires sociaux et des acteurs qui s’accordent tous à reconnaître la plus grande pertinence du pilotage par les conseils régionaux, même si nous considérons toutefois que l’article 20 a été modifié dans le bon sens, à l’initiative de M. le rapporteur.
Enfin, comment ne pas évoquer ce que je qualifierai « d’ultime coup de poignard dans le dos », à savoir la décision tardive de l’État de transférer à l’AFPA son patrimoine immobilier vétuste et source de dépenses de réhabilitation et d’entretien, sans aucune expertise préalable ? Nous ignorons quelles en seront les conséquences pour les missions de l’AFPA et pour ses personnels.
Une nouvelle fois, vous procédez à un transfert sans vous soucier des conséquences, qu’elles soient budgétaires ou autres. Est-ce vraiment responsable, ne serait-ce qu’au regard de l’intérêt général ? Nous ne le pensons pas.
Je conclus, monsieur le président. Si ce projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, consacre quelques progrès notables, il pèche aussi par les mauvaises réponses apportées aux préoccupations de nos concitoyens, touchés de plein fouet par la crise et le chômage. Je pense en particulier aux jeunes, de plus en plus nombreux à éprouver les plus grandes difficultés à accéder à l’emploi ; ce projet de loi n’y changera rien !