La formation doit aussi viser la promotion sociale et l’élévation du niveau de qualification de chaque salarié au fil de sa carrière professionnelle. Cette dimension est totalement absente du projet de loi, déconnecté de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC. Pourtant, c’est bien par cette gestion prévisionnelle que vous pouvez envisager les évolutions industrielles et les métiers qui vont avec !
C’est grâce à la gestion prévisionnelle de l’emploi que vous permettez aux hommes et aux femmes qui travaillent dans les secteurs industriels en mutation d’aborder un peu plus sereinement les changements auxquels ils doivent faire face, parfois dans la douleur. Ne déplorez donc pas leur manque d’adaptation, si tant est que l’on puisse « adapter » un être humain !
Ce projet de loi traduit selon nous une conception « court-termiste » de la formation, destinée davantage à assurer l’employabilité et la « flex-sécurité » qu’à véritablement sécuriser les parcours professionnels, sécurisation dont Guy Fischer a rappelé, lors de l’examen du texte au mois de septembre, qu’elle passait par la création et le renforcement d’un certain nombre de droits des salariés que vous n’avez pas voulu prendre en compte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vais pas me lancer dans un inventaire à la Prévert, je reviendrai simplement sur quelques points du texte, notamment sur l’article 4, dont il a déjà été beaucoup question.
Cet article traduit l’intention louable de permettre aux salariés de bénéficier de la portabilité de leur droit individuel à formation, le DIF. Or il n’est pas assez ambitieux. Il nous semble que le Gouvernement et sa majorité sont restés au milieu du gué et bien trop frileux en matière de renforcement des droits des salariés : le salarié doit recevoir l’accord de l’employeur ; le droit à la portabilité est limité dans le temps – la portabilité n’est possible que les deux années suivant le départ de l’entreprise ; les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, ainsi que les salariés à temps partiel n’y ont pas droit. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous tiendrez l’engagement que vous avez pris les concernant en septembre dernier. En effet, ces salariés à temps partiel, majoritairement des femmes, ne peuvent être une nouvelle fois victimes des temps partiels qu’on leur impose. Alors qu’ils subissent déjà des temps de travail émiettés, que leurs salaires sont insuffisants pour affronter le quotidien, il ne faudrait pas en plus qu’ils soient tenus éloignés de la formation. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, vous avez repoussé un amendement les concernant sous prétexte qu’il y aurait eu rupture d’égalité. Or ce sont ces salariés qui sont victimes d’une rupture d’égalité !
Ainsi, en matière de portabilité, vous affirmez vouloir passer d’une logique contractuelle à une logique assise sur les droits propres aux salariés. Si tel était le cas, il fallait supprimer les conditions que vous avez instaurées et permettre une portabilité universelle du DIF, sans référence ni à la nature du contrat, ni à la durée de la portabilité, ni à l’accord de l’employeur.
Nous persistons à penser que vous avez instauré un droit à demander à bénéficier de la portabilité du droit individuel à la formation et non un droit à la portabilité en tant que tel.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire non plus du retour en force de l’État dans le domaine de la formation professionnelle. En disant cela, je ne vise pas tant l’article 20 du projet de loi – il a fait l’objet d’une réécriture un peu plus équilibrée en faveur des régions, même si, comme le soulignait Pierre Méhaignerie lors de la commission mixte paritaire, « il est nécessaire d’organiser un vrai débat sur la clarification des responsabilités en matière de transfert de compétences et de financements entre l’État et les collectivités locales » – que l’article 14.
En effet, la commission mixte paritaire a maintenu une disposition qui, je le signale au passage, ne figurait pas dans l’accord national interprofessionnel et qui permet à l’État, grâce à la signature d’une convention-cadre, de déterminer l’utilisation des ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Si nous nous réjouissons de la création de ce Fonds à l’article 9, nous craignons que cette convention ne permette au Gouvernement, sous prétexte de satisfaire le besoin légitime de formation des salariés privés d’emploi, de se désengager de la responsabilité politique et financière qui est la sienne en matière d’emploi, en faisant des choix dont nous redoutons qu’ils ne soient davantage motivés par le souhait du Gouvernement de faire des économies sur son propre budget que par la volonté de définir de réelles priorités.
Nous regrettons par ailleurs que vous ayez refusé la participation des régions à la gestion de ce Fonds, alors même qu’elles supportent déjà une grande partie de l’effort national en matière de formation.
Par ailleurs, nous regrettons également les modifications apportées à l’article 9 par la commission mixte paritaire concernant le financement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Pour notre part, nous étions opposés à la négociation branche par branche, craignant, comme l’a souligné M. le rapporteur, que certaines branches ne décident de faire reposer la participation due au Fonds uniquement sur la cotisation « professionnalisation ».
Comme vous, nous avons reçu le courrier des signataires de l’ANI nous demandant de revenir sur la règle des trois tiers. Cette suppression, parce qu’elle ne s’accompagne pas de mesures permettant de sécuriser la « professionnalisation », en prévoyant par exemple la création d’une obligation minimale de financement sur le plan, tel que je vous l’ai proposé lors de la réunion de la commission mixte paritaire, proposition que vous avez repoussée, pourrait avoir pour conséquence de permettre à certaines branches de faire porter leur obligation de financement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels sur la seule collecte « professionnalisation », aboutissant à un prélèvement de 33 % sur cette cotisation, ce qui lui serait extrêmement préjudiciable, chacun en convient.