Il faut reconnaître que, même si, dans sa version finale, le texte n’est pas à la hauteur de ses ambitions, il comporte un certain nombre d’avancées. J’en évoquerai trois à titre d’exemple.
La première de ces avancées, comme l’ont déjà souligné mes collègues, est le renforcement et la réaffirmation du droit individuel à la formation. Concrètement, l’article 4 du projet de loi permet la portabilité de ce droit : grâce à une intervention des fonds mutualisés, un reliquat de droit non utilisé pourra être mobilisé non seulement pour la période de chômage, mais également au cours des deux premières années suivant une nouvelle embauche. Ces dispositions sont positives.
La seconde de ces avancées – elle mérite particulièrement d’être soulignée – est la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui figure dans l’accord du 7 janvier 2009. Ce Fonds doit permettre au demandeur d’emploi d’acquérir une formation ou de se requalifier en dynamisant sa période de chômage.
Je me félicite également du vote à l’unanimité – c’est la troisième avancée du texte – d’un amendement, même s’il est de caractère périphérique, tendant à garantir au demandeur d’emploi un accès organisé aux formations achetées par les régions, mises en place en particulier par l’AFPA. Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir prêté une oreille attentive à cette proposition. Dans cette perspective, une convention pourra être signée entre les régions, Pôle emploi et l’AFPA. Cette disposition permettra de sécuriser l’organisme de formation dans son processus de recrutement des stagiaires tout en optimisant l’utilisation de l’argent public engagé par les régions.
Toutefois, mes chers collègues, ce texte ne constitue malheureusement pas la grande réforme qu’il aurait pu être. La formation, en raison de ses enjeux – ils ont été rappelés à de nombreuses reprises – aurait pourtant mérité, me semble-t-il, de figurer parmi les grands chantiers du Gouvernement, au rang des mesures destinées à lutter contre la crise.
En effet, comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, la formation prépare utilement à l’acquisition des compétences nécessaires pour demain. Conçue comme un investissement, elle est créatrice de richesses et permet à l’ascenseur social de fonctionner de nouveau.
Mais, et je l’avais déjà indiqué en première lecture, si l’ambition n’est pas au rendez-vous, c’est, me semble-t-il, en raison de la méthode qui a été retenue par le Gouvernement. Compte tenu de l’importance de l’enjeu, le sujet aurait mérité une sorte de « Grenelle de la formation professionnelle ». Si cela avait été le cas, nous aurions pu mobiliser les acteurs dans chacune des régions – cela nous a manqué – et aboutir in fine à un résultat certainement plus innovant et plus audacieux.
Dès lors, le texte qui nous est présenté me semble souffrir d’un quadruple déficit : il n’instaure pas la simplification requise, il n’approfondit pas un certain nombre de points, il ne dispose pas d’un ancrage territorial suffisant et, au final, il manque d’audace et de souffle.
Premièrement, le projet de loi n’instaure pas la simplification requise. Pourtant, c’était devenu une nécessité. Rendre les dispositifs de formation lisibles, ce n’est pas une exigence secondaire. C’est, au contraire, l’un des facteurs clés du succès ! Car rendre ces dispositifs lisibles, c’est les rendre accessibles. Mais la méthode retenue n’a pas permis d’atteindre cet objectif.
Deuxièmement, ce texte n’approfondit pas un certain nombre de sujets qui sont pourtant, de notre point de vue, décisifs. J’en retiendrai deux : malgré les réelles avancées que M. le rapporteur a tenté d’apporter, nous sommes restés au milieu du gué sur la question de l’apprentissage et de l’orientation tout au long de la vie.
À l’évidence, l’apprentissage aurait mérité une remise à plat et un toilettage substantiel, en pleine cohérence avec les autres dispositifs existants.
Quant à l’orientation, elle aurait sans nul doute nécessité une expertise plus effective sur la réalité de l’existant. Nous aurions dû pouvoir définir des principes structurants permettant, à terme, d’instituer une véritable « fonction orientation » articulée avec la formation. Ce n’est pas le cas.
De plus, les dispositions du projet de loi tendant à confier toutes les responsabilités en la matière à l’État ne manqueront pas d’aggraver le divorce déjà trop important entre l’orientation et la formation, dont la responsabilité relève des régions.
Troisièmement, et cette carence est très grave, le projet de loi manque à l’évidence d’ancrage territorial.
Pour ma part, j’attendais de cette réforme qu’elle favorise, par exemple, une complémentarité active entre les logiques de branches et les besoins des territoires. Les présidents de régions auraient pu en être les acteurs privilégiés et naturels.
Au lieu de cela, vous organisez une recentralisation qui ne dit pas complètement son nom. Pourtant, c’était sans doute le moment d’inventer un nouveau mode de rapport moderne et innovant entre un État garant de l’équité territoriale et des régions soucieuses de faire converger les nécessités du développement économique et les exigences de la cohésion sociale.
Quatrièmement, ce texte manque d’audace et d’ambition. Celles-ci auraient pu s’incarner, par exemple, dans ce nouveau « droit à la formation initiale différée » qu’évoquait tout à l’heure ma collègue Christiane Demontès, sous réserve évidemment de lui donner un contenu. Je regrette ce rendez-vous manqué, car vous auriez pu attacher votre nom à cette grande ambition, monsieur le secrétaire d’État.
De même, sur l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, c’est encore – j’en ai la conviction – un rendez-vous manqué. Pourtant, vous aviez totalement la main en la matière, monsieur le secrétaire d’État. Cependant, je dois vous donner acte de votre cohérence et de votre constance. En transférant les psychologues du travail de l’AFPA vers Pôle emploi et en transférant le patrimoine, vous jetez l’institution dans le bain de la pleine concurrence. Ce faisant, vous êtes en accord avec vous-même et avec ce que vous n’avez jamais cessé d’affirmer : « Au nom des règles de la concurrence, l’AFPA doit être banalisée. »