Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà arrivés au terme du parcours législatif de ce texte, qui fera date. Je félicite Mme la rapporteure pour les travaux qui, en commission, en séance publique puis en commission mixte paritaire, ont permis en quelques mois son adoption.
Nos enfants ne pouvaient plus attendre. Ils sont les principales victimes des travers de la société numérique. Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure : la surexposition aux écrans, l’addiction aux réseaux sociaux, le cyberharcèlement, l’exposition précoce à des contenus inappropriés sont autant d’atteintes brutales à leur innocence, autant de violences psychologiques faites à une génération qui risque bien d’être sacrifiée si rien n’est fait.
C’est la raison pour laquelle il faut agir.
La France agit depuis quelques années. Elle a montré la voie au niveau national, avec un certain nombre d’initiatives, dont certaines étaient d’origine parlementaire, sur le contrôle parental ou le cyberharcèlement scolaire. Elle l’a fait au niveau international, avec des initiatives multipartites, comme l’appel de Paris et le Forum de Paris pour la paix, des initiatives européennes, mais également avec des initiatives qui ne passent pas nécessairement par la loi. Ainsi, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’économie et des finances ont fait en sorte qu’à la rentrée prochaine, tous les élèves de sixième bénéficieront d’un passeport numérique, qui les sensibilisera aux risques et aux gestes à adopter lorsqu’ils sont victimes ou témoins de cyberharcèlement.
Je pense également à l’engagement de Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance et du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées : sur le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, tous les parents de France pourront trouver des éléments susceptibles de les accompagner dans la parentalité numérique. Avec Charlotte Caubel, nous avons lancé il y a quelques mois une campagne nationale de communication sur cette plateforme d’outils à disposition des parents.
La France a agi au niveau européen en portant, l’année dernière, lorsqu’elle présidait l’Union européenne, un règlement sur les services numériques. Il s’agit d’un texte majeur, qui fait entrer les grandes plateformes dans l’ère de la responsabilité en leur imposant un certain nombre d’obligations et d’interdictions d’ordre général. Elles ont par exemple l’obligation de modérer les contenus illicites, de faire auditer leurs algorithmes par des autorités tierces et de partager leurs données avec les chercheurs, afin que puissent être identifiées et qualifiées les dérives que nous dénonçons aujourd’hui. Pour protéger l’enfance en ligne, elles ont également l’obligation de publier les conditions générales d’utilisation d’une manière facilement compréhensible par des enfants, d’assurer le plus haut niveau de sécurité, de sûreté et de protection de la vie privée pour les enfants, et il leur est interdit de faire de la publicité ciblée sur les mineurs.
Ces obligations et interdictions seront sanctionnées par des amendes pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial, voir jusqu’au bannissement en cas de manquements répétés.
Nous avons agi, mais il nous faut aller plus loin. Nous le faisons avec le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, qui a été examiné en commission spéciale avant-hier au Sénat, et qui y sera débattu la semaine prochaine en séance publique. Ce texte tire les leçons d’un certain nombre de travaux, notamment sénatoriaux, sur l’exposition des mineurs à la pornographie – auxquels Mme la rapporteure a contribué de manière appréciable – ou sur la souveraineté numérique et l’équité commerciale dans le marché de l’informatique en nuage.
Nous le ferons aussi avec ce texte, qui vise à ce que, désormais, les grandes plateformes de réseaux sociaux vérifient l’âge de leurs utilisateurs et, lorsque ces utilisateurs auront moins de 15 ans, recueillent le consentement parental. C’est un texte fondamental, car, s’agissant de la protection des mineurs en ligne, la mère des batailles, c’est bien la vérification de l’âge.
Après que cette proposition de loi a été adoptée à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale, puis à l’unanimité au Sénat, le texte de la commission mixte paritaire a été adopté, lui aussi, à l’unanimité. C’est la démonstration éclatante, s’il en était besoin, que, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant est en jeu, le Parlement sait trouver les voies du consensus.
Pour la suite, soyez assurés, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’avec Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance, nous veillerons à ce que ce texte puisse s’appliquer dans les meilleurs délais, de manière que nos enfants soient mieux protégés en ligne.
Je vous invite donc, évidemment, à le voter.