Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 29 juin 2023 à 10h30
Couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse — Vote sur l'ensemble

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er juin dernier, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur cette proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Nous saluons l’esprit transpartisan qui a guidé les modifications apportées au texte tout au long de son cheminement parlementaire, lesquelles contribuent à lever le tabou des fausses couches. Celles-ci concernent près de 15 % des grossesses et sont vécues chaque année par 200 000 femmes dans notre pays, et donc par autant de concubins et concubines.

Nous sommes partis d’un dispositif centré sur le suivi psychologique des femmes faisant une fausse couche, pour arriver à un parcours qui s’adresse aux couples et englobe les questions du suivi psychologique et médical, de l’information et de l’orientation.

Ainsi, le jour de carence sera supprimé pour toutes les salariées, indépendantes et travailleuses non-salariées agricoles. De plus, le Sénat a instauré une protection de dix semaines contre le licenciement au bénéfice des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse tardive, c’est-à-dire après la quatorzième semaine d’aménorrhée.

S’il aurait sans doute mieux valu l’étendre à un stade plus précoce de la grossesse, la douleur due à la perte d’un enfant n’étant pas fonction du nombre de semaines d’aménorrhée, cette disposition améliore sensiblement les garanties prévues par le code du travail contre les risques de discrimination professionnelle.

Je rappelle que depuis 2016, en matière de droit du travail, l’obligation de « surveillance médicale renforcée » de la femme enceinte a été remplacée par un « suivi individuel renforcé », pour lequel l’état de grossesse n’est plus pris en compte en tant que tel. L’obligation de suivi individuel renforcé pour toutes les femmes enceintes relève donc de la nécessité en droit du travail.

Enfin, sur le cœur du dispositif, c’est-à-dire l’accompagnement psychologique des patientes et de leur partenaire, j’exprime de nouveau, comme en première lecture, les sérieux doutes que nous avons quant à la capacité du dispositif MonParcoursPsy à répondre aux enjeux – nous avons d’ailleurs été plusieurs à le faire.

Vous voulez étendre aux couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse un dispositif auquel seulement 13 % des psychologues ont fini par adhérer, tant cet outil suscite la colère de la profession.

Selon le rapport d’information déposé en conclusion du Printemps social de l’évaluation par le député Pierre Dharréville et plusieurs de ses collègues, MonParcoursPsy présente plusieurs défauts de conception : tout d’abord, le faible nombre de prises en charge et la tarification insuffisamment attractive des séances ; ensuite, les conditions d’adressage préalable par un médecin généraliste, alors que six millions de nos concitoyennes et concitoyens n’ont pas de médecin traitant, qui induisent une mise sous tutelle médicale des psychologues ; enfin, les critères d’éligibilité des patientes, qui sont inopérants et inadaptés.

Par ailleurs, MonParcoursPsy a été présenté par le Gouvernement comme un outil d’accès aux soins psychiques avec un remboursement par l’assurance maladie à hauteur de seulement 60 %, les 40 % restants étant honorés par les complémentaires santé.

Monsieur le ministre, les chiffres démontrent non seulement que le dispositif est rejeté par la majorité des psychologues, mais qu’il a raté sa cible, puisque seulement 10 % des précaires en ont bénéficié. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire en première lecture, cette vision comptable de la prise en charge de la santé mentale s’oppose à la fois à la réalité de la prise en charge globale des patientes et à la situation économique des Françaises et des Français, dont près de trois millions ne disposent ni de complémentaire santé ni d’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS).

Quand entendrez-vous les revendications des psychologues en abrogeant MonParcoursPsy, ou, à tout le moins, en ouvrant de véritables négociations avec cette profession, qui rejette ce dispositif ?

Pour conclure, même si nous regrettons que nos amendements visant à associer les sages-femmes à l’accompagnement des fausses couches et à créer un congé de trois jours pour les couples concernés – comme cela existe depuis 2021 en Nouvelle-Zélande – aient été rejetés, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de cette proposition de loi.

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