Intervention de Laurent Torcheux

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 4 mai 2023 à 9h40
Audition publique sur les perspectives technologiques en matière de batteries : progrès incrémentaux ou innovations de rupture ? gérard leseul député et gérard longuet sénateur rapporteurs

Laurent Torcheux, conseiller senior, direction Recherche et développement d'EDF :

Cette question renvoie à la notion de deuxième, voire de troisième vie de la batterie avant recyclage final. Les constructeurs garantissent aujourd'hui leurs batteries jusqu'à un état de santé de l'ordre de 75 %, soit environ 10 ans. Au-delà, il n'y a plus de garantie. Cela ne signifie pas pour autant que le véhicule ne fonctionnera plus à partir de cette date. Les batteries au lithium ont en effet un réservoir de puissance assez important, si bien que la batterie pourra toujours mouvoir le véhicule. En revanche son autonomie sera réduite et ce phénomène sera de plus en plus prégnant au fil du temps.

Se pose alors la question de garder ou revendre un véhicule déclassé, avec la batterie toujours à bord, dans des applications nécessitant moins d'autonomie. Cela constitue une première piste.

L'autre possibilité consiste à laisser évoluer la batterie, puis à la retirer afin de la consacrer à des usages autres, dont des applications stationnaires comme la production photovoltaïque domestique ou sur les réseaux électriques, éolien, etc.). Tout ceci est envisageable, mais a un coût. Je pense notamment au démantèlement et au tri, nécessaires pour garantir les batteries pour leur nouvel usage, ou encore au coût logistique. Aujourd'hui, l'équation économique n'est pas excellente et nous travaillons à son amélioration.

Ces procédés entrent par ailleurs en compétition avec le recyclage final, qui a également une valeur. Cet aspect mérite encore réflexion.

Pr Jean-Marie Tarascon. - La question relative à la technologie aluminium-air illustre parfaitement la difficulté qu'il y a à juger la situation actuelle. Je traiterai ce point en évoquant plus globalement la technologie métal-air, et notamment lithium-air. Cette technologie est apparue voici une dizaine d'années et Toyota a annoncé en 2017 qu'ils allaient la développer afin d'en équiper leurs véhicules électriques. Des investissements nationaux et internationaux ont alors eu lieu, équivalents à l'engouement - initié également par Toyota en 2018 - que l'on rencontre aujourd'hui pour la technologie tout solide. Sept à huit ans plus tard, il n'en est plus question. Cette technologie est tombée dans les oubliettes. Ceci montre qu'il convient de considérer les annonces avec la plus grande prudence. L'aluminium-air est probablement une technologie intéressante, mais elle requiert, pour être véritablement opérationnelle, de lever de très importants verrous technologiques.

J'ajoute que la technologie lithium-phosphate n'est pas du métal-ion : elle est connue depuis plus de 20 ans, mais est arrivée en Europe voici seulement 2 ou 3 ans, pour la bonne et simple raison que l'Europe ne pouvait pas, jusqu'alors, bénéficier de brevets dont la Chine avait la jouissance exclusive.

Que serait la batterie idéale ? Je pense pour ma part qu'elle n'existe pas, car on aspire toujours à davantage d'autonomie, à de meilleures performances. Au niveau de la chimie, la batterie lithium-ion semble assez idéale, car elle est prévue pour durer un siècle et présente une chimie beaucoup moins complexe que la batterie au plomb. L'autonomie d'une batterie est contrôlée par les électrons, provenant de molécules, de réactions chimiques. Chaque liaison que l'on casse compte un, voire deux électrons. Nous connaissons ces limites et essayons de les repousser. La marge d'amélioration réside selon moi autant dans l'ingénierie que dans la chimie. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut travailler, pour l'avenir, à rendre les batteries toujours plus fiables, plus durables, plus écocompatibles, etc. Nous disposons selon moi de plus de 50 ans pour améliorer la technologie lithium-ion en ce sens.

Dr Yannick Borthomieu. - Nous sommes, chez Saft, particulièrement bien placés pour répondre à la question de la batterie idéale. Nous avons coutume de dire qu'elle n'existe pas et qu'il n'existe que des batteries adaptées à des applications. Ce sont les usages qui vont faire la batterie idéale. Lorsque l'on vise la sécurité, on aura plutôt tendance à utiliser des éléments et des systèmes à base de phosphate. Quand on recherche une capacité de recharge très rapide, une puissance importante (pour des applications militaires de défense notamment), on choisit prioritairement des technologies à base de titanate.

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