Intervention de Marie-Laure Métayer

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 8 juin 2023 à 9h40
La surveillance et les impacts des micropolluants de l'eau — Audition publique christine arrighi députée et angèle préville sénatrice rapporteures

Marie-Laure Métayer, adjointe au directeur de l'eau et de la biodiversité au sein du ministère de la transition écologique :

Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter l'organisation de la surveillance de la contamination des milieux aquatiques.

Il faut tout d'abord savoir que ce domaine est régi par la directive-cadre européenne sur l'eau, directive de référence sur la surveillance de la qualité des milieux aquatiques, qui impose depuis 2000 aux États membres de mettre en oeuvre des programmes de surveillance sur l'ensemble des masses d'eau, avec des obligations de résultat qualifiées de « bon état des eaux » et une première échéance qui était fixée à 2015.

Dès 2007, la France a organisé son programme de surveillance, conformément aux obligations européennes, en définissant un réseau représentatif de points de surveillance sur l'ensemble des masses d'eau concernées. Ce terme recouvre les masses d'eau continentales, superficielles, souterraines et côtières. Nous avons dénombré 689 masses d'eau souterraines en France, incluant les territoires ultramarins, et 11 407 masses d'eau superficielles, comprenant les plans d'eau, les estuaires, les cours d'eau et les zones côtières.

Ce programme est organisé autour de points représentatifs de ces différents types de masses d'eau. Nous avons ainsi environ 1 500 stations sur les cours d'eau, près de 2 000 sur les eaux souterraines et 150 à 200 sur le reste des eaux côtières et continentales. Bien entendu, le choix des points d'eau ne doit rien au hasard : il est effectué au regard de leur représentativité et de leur intérêt pour les recherches que l'on a besoin de conduire.

La difficulté essentielle consiste, comme exposé précédemment, à définir les listes de substances chimiques à surveiller parmi les centaines de milliers présentes dans l'environnement. Il faut savoir tout d'abord qu'une liste de substances « pertinentes, prioritaires et dangereuses prioritaires » est imposée par la directive-cadre sur l'eau. Les substances prioritaires sont celles dont il est demandé de diminuer la concentration, tandis que les dangereuses prioritaires sont celles qui doivent être éliminées. Ce socle défini à l'échelle de l'Union européenne peut être complété par les États membres, étant entendu qu'en termes de gestion de l'eau l'échelle territoriale est fondamentale puisque les substances à surveiller peuvent varier en fonction des pressions exercées sur un territoire. C'est dans cette logique que sont déterminées des listes nationales, sur la base d'un travail de recherche de substances pertinentes et d'un cycle dynamique d'identification de molécules à rechercher de façon complémentaire, mais aussi des listes locales, à l'échelle des bassins. Les agences de l'eau peuvent ainsi suivre un certain nombre de substances d'intérêt selon l'historique du territoire considéré, le niveau de pression agricole et industrielle, le nombre d'habitants, etc.

Pour que toutes les données recueillies soient exploitables et validées, elles doivent être comparables et collectées selon des méthodes fiables, de façon homogène. Tous ces protocoles sont définis par des arrêtés définissant pour chacun le cadre dans lequel doit s'accomplir la surveillance.

La coordination technique de ces programmes de surveillance est effectuée par l'Office français pour la biodiversité. Les données collectées dans le cadre de la surveillance de l'ensemble des masses d'eau sont mises à disposition du public par le biais du système d'information sur l'eau, sachant que les bases de données pour les eaux souterraines et superficielles sont distinctes.

En matière de résultats, il est évident que plus l'on cherche, plus l'on trouve. Le principe de la réglementation européenne est de rapporter régulièrement auprès de la Commission européenne sous forme d'un état des lieux, sachant que la surveillance est organisée en cycles de six ans, au cours desquels sont révisés l'ensemble des processus et tous les arrêtés définissant la liste des substances, d'où l'intérêt de travailler en temps masqué pour anticiper la révision et ajouter des substances à la liste.

Les méthodologies d'analyse, de plus en plus performantes, permettent de trouver des substances que l'on n'était pas en capacité de déceler auparavant. Dans la logique de la directive-cadre sur l'eau, si un seul paramètre dépasse la norme, alors l'ensemble de la masse d'eau est déclassé. Cela est normal, mais très sévère. Ce cadre strict peut ne pas inciter certains États membres à mener des recherches plus approfondies, puisque cela leur fait encourir un risque de déclassement plus grand. Cela constitue un sujet intéressant à creuser. En effet, même si tout est fait pour que les situations entre les pays soient homogènes et comparables, il est évident que tous les États ne mettent pas le même dynamisme pour rechercher la présence de substances, avec l'impact que cela peut avoir.

Nous sommes ainsi soumis à des obligations de bon état des eaux. Notre dernier rapportage auprès de la Commission européenne date de 2019 et nous sommes en train de préparer le suivant pour 2028, sur la base d'un état des lieux réalisé en 2025. Le rapportage européen est un processus administratif extrêmement lourd, ce qui explique le décalage entre le moment où l'on dispose des données de l'état des lieux et la finalisation officielle du rapport.

Les résultats rapportés en 2019 sont les suivants : 44,7 % des masses d'eau de surface et 70,7 % des eaux souterraines sont identifiées comme étant en bon état. Concernant les eaux de surface, ce taux monte à 70 % si l'on écarte les substances dites « ubiquistes », que l'on trouve partout et sur lesquelles il est difficile d'avoir une action efficace pour réduire la contamination de l'eau. Pour ce qui est des eaux souterraines, nous avons gagné 10 points par rapport au précédent rapportage de 2016. Il importe cependant de considérer les chiffres avec la plus grande prudence : cette amélioration globale de 10 points ne doit pas masquer le fait que la situation au regard de la présence de pesticides ne s'améliore pas. Le problème avec les eaux souterraines tient au fait que les dynamiques de contamination sont caractérisées par des pas de temps très longs, pour lesquels il est compliqué d'observer le résultat d'une action. L'amélioration globale de l'état des eaux souterraines s'explique par les efforts considérables effectués notamment en matière d'assainissement, l'interdiction d'un certain nombre de substances et de molécules phytosanitaires, et les changements de pratiques domestiques.

Pour ce qui est de la question des pesticides et des eaux souterraines, il faut savoir qu'il existe encore aujourd'hui un certain nombre de déclassements. Les pesticides constituent la première cause de déclassement des eaux souterraines. La difficulté est liée à un certain nombre de substances rémanentes. À titre d'exemple, l'atrazine, herbicide très largement utilisé en grandes cultures avant d'être interdit voici près de vingt ans, constitue encore la première cause de déclassement des eaux souterraines. Il existe par ailleurs des facteurs d'accumulation, dans la mesure où d'autres substances utilisées viennent s'y ajouter. Cette problématique est pour nous une priorité en termes d'actions de prévention. En effet, nous considérons que la meilleure façon de lutter contre les micropolluants réside dans la prévention. Il faut savoir, par exemple, que le coût du traitement est au moins trois fois supérieur à celui de la prévention. On oublie par ailleurs très souvent, lorsque l'on évoque le traitement de l'eau potable, que l'une des problématiques majeures des micropolluants est la pollution de l'environnement et les impacts sur la biodiversité des écosystèmes, avec toutes les répercussions que cela peut avoir sur la santé. Cela procède véritablement d'un enjeu global de prévention, prioritaire par rapport au traitement.

La lutte contre les micropolluants est une priorité du gouvernement. Ainsi, le plan eau, présenté par le président de la République le 30 mars 2023, associe les approches quantitative et qualitative. Pendant la période de sécheresse de l'été 2022, la France a connu un certain nombre de ruptures d'approvisionnement en eau potable et de fermetures de captages dues à l'augmentation des concentrations de micropolluants, notamment de pesticides, liée à la baisse du niveau quantitatif des réserves d'eau. Il existe un lien très étroit entre les aspects quantitatif et qualitatif.

Nous sommes actuellement en train de réviser le deuxième plan micropolluants, qui s'est achevé fin 2021. La lutte contre les micropolluants sera une priorité du douzième programme des agences de l'eau, qui démarrera en 2025.

Un accent très fort est par ailleurs mis sur les microplastiques, qui font également l'objet d'un certain nombre d'actions prioritaires de la part du gouvernement.

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