Je retire donc ce que j'ai dit puisqu'il s'agissait manifestement d'une erreur.
Un autre problème très important concerne les impacts indirects, en particulier la bioaccumulation et la biomagnification dans les réseaux trophiques. Parmi les exemples très classiques et bien connus figure l'augmentation de la concentration en DDT ou en mercure dans les chaînes trophiques. Aujourd'hui, ce problème est essentiellement représenté par les PFAS, qui sont une très grande famille dont les comportements et le transfert trophique vont être différents selon la longueur des chaînes carbonées. Les impacts toxiques de ces substances vont également être différents. Nous sommes ainsi face à des molécules que nous ne maîtrisons pas. Nous voyons arriver sur le marché de très nombreuses molécules, dont nous ne savons pas comment elles vont se comporter.
L'exemple du diclofénac est assez emblématique de l'impact indirect des molécules, avec des mortalités de vautours liées à la présence de cette substance dans les milieux. Cela ne concerne pas l'eau, mais le processus est similaire.
On note de même la présence d'antibiotiques dans des poissons, des invertébrés. Chacun connaît les problèmes posés par les antibiotiques aujourd'hui en matière de santé humaine.
Des impacts sont observés à toutes les échelles biologiques, mais mal connus. Dans le cadre de l'évaluation des risques, seuls quelques tests sont effectués et l'on ignore énormément de choses, en particulier sur la faune sauvage. On ne dispose que de quelques données sur les impacts sur les individus et les populations, mais au-delà, pour tout ce qui concerne l'évaluation des risques relatifs aux interactions entre les communautés, on n'a que très peu de données, d'où les problèmes qui émergent actuellement. Il faut en avoir conscience.
Je souhaite pour terminer évoquer un problème complexe, original et très récent, puisqu'il date de 2021. Il concerne, aux Etats-Unis, un phénomène de mortalité d'aigles qui consomment une espèce végétale invasive sur laquelle se trouvent des cyanobactéries épiphytes. Il apparaît que la production de la cyanotoxine, toxique pour ces oiseaux, est favorisée par la présence de brome biodisponible, entrant notamment dans la composition de certains pesticides utilisés pour éradiquer ces plantes invasives. Cet exemple montre que nous ne disposons ni des outils ni de l'imagination nécessaires pour anticiper les conséquences de ce que nous sommes en train d'introduire dans la nature.
Par ailleurs, de nouvelles questions sont posées aujourd'hui pour la recherche, dans la mesure où nous savons désormais que les risques toxiques observés dans les écosystèmes ont également des impacts sur l'humain. Il existe en effet des réseaux d'interaction très complexes, à toutes les échelles, de la molécule jusqu'aux populations. Comme pour la chimie, les outils moléculaires de la biologie nous permettent d'aller chercher des impacts au niveau des récepteurs et de disposer de marqueurs.
Avons-nous vraiment besoin de 300 000 molécules chimiques ? Ne faudrait-il pas en réduire drastiquement le nombre ? Les impacts sont avérés, connus et mon sentiment personnel est que la seule solution envisageable est de réduire l'exposition à la source.