Il risque ensuite de menacer l'indépendance des organismes d'HLM, qui collaborent, certes, avec les élus et l'État, mais doivent répondre en toute impartialité aux problématiques suivantes : mettre en œuvre la politique du « Logement d'abord » et du logement des personnes prioritaires ; procéder aux relogements rendus nécessaires par les programmes de rénovation urbaine ; assurer l'atteinte des objectifs de mixité sociale.
Par ailleurs, il existe déjà des outils ; ils sont certes perfectibles, mais ils gagneraient à être développés et améliorés. En effet, ils permettent aux maires de mieux orienter les attributions de logements sociaux sur leur territoire. Les collectivités peuvent ainsi mettre en place des plans partenariaux de gestion de la demande et d'information des demandeurs ; définir des priorités formalisées dans la cotation de la demande ; éclairer les commissions d'attribution sur l'équilibre des résidences ; définir un cadre commun d'orientation des attributions au travers des conventions intercommunales d'attribution.
Alors que les règles actuelles protègent les élus locaux des recours contre une décision de refus d'attribution – les plaintes sont intentées contre les organismes d'HLM, jamais contre la collectivité locale membre de la commission d'attribution –, le rôle central qu'il est prévu d'accorder aux maires dans cette proposition de loi risque au contraire de les exposer à ce type de poursuites.
Pour rendre aux maires leur « pouvoir d'agir », il nous semble qu'il faudrait surtout chercher à développer la concertation et la coopération entre l'État et les élus. Telle était d'ailleurs l'une des propositions formulées le 6 juillet dernier par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, piloté par le président Larcher : permettre aux EPCI à fiscalité propre de conclure des pactes territoriaux avec l'État ou des conventions territoriales de coopération avec l'État et des bailleurs sociaux, qui seraient annexées au programme local de l'habitat.
Dernière critique, mais non des moindres, puisqu'elle concerne le calendrier et le cadre législatifs : cette proposition de loi risque fort d'être incompatible avec la généralisation de la gestion en flux des droits de réservation des logements sociaux, qui aboutira à ce que la désignation des candidats à l'attribution soit décidée soit par le réservataire soit par le bailleur. Y ajouter un troisième intervenant, en la personne du maire, paraît être une complexification contraire à l'objectif de simplification ambitionné par les auteurs de ce texte.
Face au problème du logement, la réponse n'est pas tant à trouver dans les conditions d'attribution que dans la nécessaire hausse de la production de logements. Or, madame la ministre, c'était sur ce point que les bailleurs sociaux en particulier vous attendaient ; las, en dépit des quelques annonces positives que vous avez formulées jeudi dernier lors du congrès de l'USH, cette demande demeure lettre morte cette année, et aucune perspective de long terme n'a été engagée. La énième annulation du comité interministériel des villes, qui devait se tenir le 9 octobre, et la tenue à la dernière minute, jeudi dernier, d'un Conseil national de la refondation, qui n'a débouché sur aucune annonce du Gouvernement, ont accru l'exaspération des élus des quartiers populaires.
Même si nous partageons les constats qui fondent ce texte et reconnaissons que la question du peuplement est centrale, cette proposition de loi ne résoudra pas les véritables problèmes, à savoir le manque d'accompagnement social du plan Logement d'abord, la baisse de la construction et l'insuffisance de l'offre de logements sociaux. La belle affaire que d'obtenir un pouvoir d'attribution accru si les logements ne sont pas là !…
Ce que nous réclamons inlassablement, sur ces travées, c'est un véritable travail global engagé sur la question du logement. L'urgence, c'est également de rendre leurs ressources aux organismes d'HLM pour relancer la production de logements sociaux.
Le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de loi.