Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, cher François-Noël Buffet, madame la rapporteure, chère Catherine Di Folco, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier très sincèrement et très solennellement le Sénat pour le travail fourni sur le sujet crucial de la lutte contre la violence faite aux élus locaux.
Nous avons échangé ensemble à de multiples reprises, mais je tiens d'emblée à rompre tout suspense : non seulement le Gouvernement est très favorable à la grande majorité des mesures portées par cette proposition de loi, mais, surtout, il considère cette proposition de loi comme une pierre angulaire de la lutte contre les violences faites aux élus, au même titre que le plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus, que j'ai eu l'honneur d'annoncer au début de juillet 2023.
Le phénomène des violences contre les élus est un véritable fléau dans notre société moderne. S'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République, et il était important que nous arrivions à un consensus transpartisan sur cette question. L'état d'esprit dans lequel nous abordons l'examen de cette proposition de loi nous montre que c'est le cas, et nous ne pouvons que nous en féliciter collectivement.
Votre proposition de loi comporte des avancées législatives majeures, qui viendront compléter les mesures que nous avons déjà prises.
À la suite des événements de Saint-Brevin-les-Pins, sous l'autorité de la Première ministre et du ministre de l'intérieur et des outre-mer, en lien également avec le garde des sceaux, j'ai annoncé le 17 mai dernier différentes mesures pour mieux protéger les élus.
Le dispositif repose notamment sur la mise en œuvre d'un « pack sécurité » s'appuyant sur la création d'un réseau de plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats, afin que les élus aient un point de contact privilégié pour parler des menaces, cybermenaces, violences et cyberviolences dont ils font l'objet, que leur situation soit connue et que nous puissions agir.
Le renforcement du dispositif « alarme élu », qui permet aux élus qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie, a permis à plus de 3 500 maires de se signaler depuis le 17 mai.
Le développement de nouvelles sessions de sensibilisation à la gestion des incivilités et à la désescalade de la violence, dispensées par le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le Raid, à l'attention des élus, en lien étroit avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), donne également satisfaction.
La mobilisation de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne, nous a par exemple permis de retirer des contenus postés sur la plateforme YouTube par le militant identitaire Papacito.
Nous avons aussi amplifié la démarche « d'aller-vers » des forces de l'ordre, pour permettre aux élus locaux de déposer une plainte quand ils le souhaitent et où ils le souhaitent.
J'ai également tenu à ce que soit mis en œuvre le principe « une menace, une évaluation », pour que les forces de sécurité intérieure évaluent finement la menace et que les préfets puissent décider, le cas échéant, de mesures de protection.
Ces mesures sont mises en œuvre par les policiers et les gendarmes, mais, au niveau national, j'ai souhaité que puisse être créé un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, qui fonctionne grâce à un tandem constitué d'un sous-préfet et d'un gendarme, se consacrant à temps plein à la coordination des milliers de policiers et gendarmes œuvrant pour la sécurité de nos élus.
Ce centre a notamment pour objectif de mieux comprendre le phénomène et à examiner les situations individuelles sensibles afin de vérifier la mise en place, au niveau déconcentré, des mesures adaptées pour protéger les élus. Je veux que nous ne passions à côté d'aucune situation problématique, et nous devons prendre en charge chacune de ces situations avec humanité.
Nous devons surtout aller plus loin en matière de réponse pénale et judiciaire. Là encore, votre proposition de loi, en alourdissant les sanctions, permet une avancée que nous appelions très clairement de nos vœux.
Elle viendra compléter les mesures que nous avons prises récemment pour mobiliser les parquets. Dans une circulaire conjointe signée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le garde des sceaux et moi-même, diffusée avant l'été, qui s'adresse en même temps aux parquets et aux préfets, nous demandons aux procureurs de mettre en place un traitement priorisé des procédures concernant les atteintes sur les élus et nous demandons une réponse pénale systématique, ferme et rapide.
Cette circulaire demande plus précisément que la voie du défèrement soit privilégiée, au regard de la nature des faits et de la personnalité du mis en cause, afin de permettre le prononcé d'une mesure de sûreté destinée notamment à prévenir toute réitération à l'encontre de la victime.
On observe déjà une amélioration de la réponse pénale au premier semestre 2023 par rapport à l'année dernière : la part des mis en cause remis en liberté est passée de 52 % en 2022 à 46 % en 2023.
Plus largement, le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, que j'ai annoncé au début de juillet, trouve une partie de sa matérialisation dans votre proposition de loi.
Ce plan cherche en effet à agir sur quatre axes : la protection juridique et fonctionnelle ; la sécurité physique des élus et l'accompagnement psychologique ; la réponse judiciaire ; et les relations entre les maires et les parquets.
De très nombreux points nécessitaient toutefois de modifier la loi, pour renforcer la protection fonctionnelle, améliorer sa prise en charge financière, et pour alourdir les sanctions pénales. Sur tous ces points, je le redis, votre travail a été absolument décisif.
Le Gouvernement est favorable, dans leur principe, à l'ensemble des mesures portées par cette proposition de loi en matière pénale, y compris celles que vous avez adoptées en commission. Il est également favorable à la très grande majorité des mesures visant à accompagner les élus victimes, ou à renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques.
Sur tous ces enjeux essentiels, je ne puis que me féliciter du fait que nous arrivions à travailler de façon apaisée et consensuelle.
Je ne vous proposerai que deux amendements d'ordre technique, l'un visant à assurer l'effectivité du nouveau mécanisme de protection fonctionnelle que vous prévoyez, l'autre supprimant une disposition déjà prévue par le projet de loi finances pour 2024.
En tous cas, je vous félicite de cette démarche, qui est un exemple de coopération entre le Sénat et le Gouvernement, dont nous pouvons tous nous réjouir !