Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif annoncé de cette proposition de loi est de renforcer les pouvoirs du maire en matière d’attribution de logements sociaux. Cette thématique est en effet au cœur des préoccupations des édiles, car 80 % des audiences sollicitées en mairie portent sur la question du logement.
Cela dit, nous pensons que cette proposition de loi ne répond pas au principal problème qui se pose en ce domaine, c’est-à-dire à la pénurie de logements – seule, en tout cas, elle n’y répond pas. Pourtant, la tendance à la pénurie s’amplifie en France, touchant en premier lieu les ménages les plus précaires : on dénombre actuellement 2, 4 millions de demandeurs en attente d’un logement social.
Quelque 20 % des demandes de logements sociaux sont satisfaites en France chaque année, et 10 % seulement en Île-de-France, en zone tendue ! On constate en outre que la file d’attente s’allonge chaque année ; le délai moyen nécessaire pour obtenir un logement est actuellement de trois ans minimum en Île-de-France.
Compte tenu en effet de la paupérisation de la société française, les personnes occupant un logement social le quittent moins qu’auparavant. Dans le même sens, l’accession à la propriété s’est complexifiée pour nombre de personnes et le parcours résidentiel est devenu un parcours du combattant : petits salaires et taux d’intérêt élevés conjuguant leurs effets, une majeure partie de la population est tout simplement privée d’accession à la propriété.
Surtout, on ne construit plus assez de logements sociaux, alors même que le nombre de demandeurs augmente chaque année : si l’on comptait, pour l’année 2017, environ 105 000 logements mis en chantier, on n’en recense que 85 000 pour l’année 2022, quand le besoin est estimé à 200 000, soit au moins deux fois plus.
Cette situation tient notamment au fait que les moyens alloués sont insuffisants, à commencer par ceux des bailleurs, affaiblis par la réduction de loyer de solidarité, qui n’est pas compensée par l’État.
Tel est, madame la ministre, le résultat de votre politique : en six ans, 10 milliards d’euros ont été ponctionnés aux bailleurs, ce qui signifie moins de rénovations et moins de constructions.
C’est pourquoi nous considérons que ce texte frappe à côté du principal problème : si les maires sont mis en difficulté pour répondre aux besoins de logement social, c’est non parce que les pouvoirs dont ils disposent dans le cadre des commissions d’attribution seraient insuffisants, mais parce qu’ils doivent composer avec cette pénurie.
En ce sens, l’adoption de la présente proposition de loi n’aura aucun effet sur les difficultés de fond et créera l’illusion d’un renforcement du pouvoir du maire, quand celui-ci reste en réalité tributaire d’un nombre insuffisant de places à allouer dans le parc social.
Il y a dix ans, on attribuait 500 000 logements sociaux par an en France ; ce nombre est tombé à 400 000. Les maires veulent non pas gérer la pénurie, mais répondre aux besoins de leur population !
Plus encore, nous nous opposons au droit de veto qui a été introduit en commission. Une telle mesure aurait pour effet non seulement de casser les parcours d’accès au logement de certains ménages, mais également de rendre les maires responsables de l’échec de la politique du logement menée depuis de nombreuses années par le Gouvernement, madame la ministre. Tout le monde devrait pouvoir accéder à un habitat digne, qu’il soit public ou privé !
Si nous sommes favorables à l’idée de confier davantage de pouvoirs aux maires, nous considérons que cela doit se faire en conservant une collégialité permettant notamment de se prémunir contre certaines dérives, qui sont certes marginales parmi nos élus.