Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout en remerciant François-Noël Buffet d’avoir déposé cette proposition de loi, je crois que nous pouvons dire qu’elle n’est pas l’alpha et l’oméga de la solution à un problème qui est conjoncturel dans notre société : la montée de la violence, la remise en cause de toute forme d’autorité et de celles et de ceux qui l’incarnent, et plus particulièrement les violences exercées envers les élus – sujet qui nous rassemble ce soir.
Permettez-moi d’avoir d’abord un mot pour les élus des communes de Rosier-Côtes-d’Aurec, de Saint-Alban-les-Eaux, de Montbrison, de Chirassimont et tant d’autres dans mon département de la Loire, où les maires, les adjoints, les élus municipaux ont été victimes ces dernières années de violences dans l’exercice de leur mandat.
Cette proposition de loi prend la suite d’un certain nombre de nos travaux, débutés ici en août 2019. Le Sénat a lancé une grande consultation nationale, sous l’égide de la commission des lois, à la suite du décès du maire de Signes, Jean-Matthieu Michel, et, plus récemment, a constitué une mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, présidée par Maryse Carrère et dont le rapporteur était Mathieu Darnaud.
Je crois que ce texte répond surtout à une actualité, à des problèmes de plus en plus récurrents, comme le rappelait François-Noël Buffet, de menaces, d’insultes et d’agressions auxquelles sont confrontés les élus locaux.
Oui, nous devons nous montrer fermes au regard de l’enjeu. Mais je forme également un vœu : que nous ne cédions pas au catastrophisme ambiant. Le Sénat doit garder une certaine hauteur vis-à-vis de ce phénomène, qui se répète, certes, mais qui demeure réduit au regard du nombre d’élus qui font vivre au quotidien la démocratie dans notre pays.
L’Observatoire des agressions envers les élu(e)s mis en place par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a comptabilisé 1 500 agressions d’élus liés aux fonctions qu’ils exercent. On a constaté en 2022 une augmentation de près de 15 % de ces actes. Mais en France, aujourd’hui, ce sont quelque 509 000 élus locaux qui incarnent au quotidien les valeurs de la République dans l’ensemble des communes de notre pays.
Oui, il est à présent nécessaire d’avoir une réflexion sur les délais de justice, bien évidemment sans remettre en cause l’indépendance de cette dernière. Madame la ministre, il paraît aujourd’hui inconcevable que des élus doivent attendre plus de six ans pour connaître les suites qui seront données à leur agression. Il y a donc besoin d’une réponse pénale à la hauteur. Certes, selon les départements, les réalités ne sont pas les mêmes. Mais il n’en demeure pas moins que, tout de même, il y a un vrai problème d’efficacité de la réponse pénale dans notre pays.
Je me permets donc, de la tribune qui m’est ici offerte, d’ouvrir un débat plus large : je veux bien entendu parler de la crise de l’engagement qui se profile pour 2026.
Je vous le dis, mes chers collègues, la réponse, aussi indispensable soit-elle, ne peut être la seule question de la sécurité des élus. J’ai été frappée cet été de constater des démissions massives au sein des conseils municipaux liées à des changements de vie, à l’incompatibilité professionnelle, à la perte de sens dans l’exercice d’un mandat d’élu local. Partout, la même inquiétude pointe : comment composer des listes ou avoir suffisamment de candidats en 2026 ? Et cela, alors que des difficultés existaient déjà en 2020.
À ce propos, et sans prétention, je veux rappeler que je me suis toujours positionnée contre la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi Maptam », et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », plus connue sous son acronyme loi NOTRe, qui ont considérablement affaibli la place des communes et donc, de fait, le pouvoir d’action des élus municipaux et le sens de leur mandat.
Oui, mes chers collègues, l’augmentation des agressions est un fait, mais, fort heureusement, beaucoup d’élus sont aussi reconnus par leurs concitoyens pour tout ce qu’ils font au quotidien.
Madame la ministre, le Gouvernement précédent a constaté lors de la crise de la covid que les élus savaient répondre présent pour pallier les manques de l’État. Sachons donc, collectivement, redonner du poids à l’engagement.
Attelons-nous également à résoudre cette crise de l’engagement en réduisant la difficulté d’être un élu local aujourd’hui, par la mise en place d’un véritable statut de l’élu. C’est bel et bien cette nécessité qui s’impose à nous. Le statut de l’élu ne se résumera pas à quelques phrases supplémentaires au sein du code général des collectivités territoriales, mais posera dans sa globalité la capacité à devenir, à être et à ne plus être élu.
En tout état de cause et pour toutes les raisons que j’ai invoquées, je voterai, comme l’ensemble de mon groupe, cette proposition de loi.