Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai la lecture des conclusions de cette commission mixte paritaire par deux approches.
La première s'en tiendra au périmètre strict du texte, la seconde prendra en considération le contexte de transition qui s'impose à nous tous en matière de production et de modèle productif.
Concernant le texte, sur le fond, les faiblesses que nous avions soulignées en première lecture demeurent. Nous avions regretté que l'industrie verte ne soit pas définie et que ce projet de loi soit en réalité centré sur l'accélération des procédures d'instruction et de mise en chantier des quelques dizaines de sites ciblés.
La lecture de l'Assemblée nationale n'a donc pas permis de définir ce que le Gouvernement entend par « industrie verte ». La commission mixte paritaire a conservé l'amendement que notre groupe avait déposé et visant à ce que soit définie une stratégie nationale pour l'industrie verte. La représentation nationale devrait pouvoir en débattre. Pourtant, rien n'est moins sûr à ce stade.
Nous voulions aussi que le développement de ces sites industriels soit conditionné par l'avis des communes et EPCI potentiellement concernés. Tel sera le cas. Les communes ne pourront être contraintes, ce qui est une bonne chose !
Je souligne aussi que, sur proposition de notre ancienne collègue Angèle Préville, que je tiens ici à remercier, nous n'exporterons plus de vêtements usagés ne pouvant être traités que comme des déchets.
A contrario, la prise en compte des entreprises contribuant à la chaîne de valeur des productions réalisées sur ces sites industriels prioritaires n'a pas été englobée dans le projet de loi.
Le texte de la commission mixte paritaire a été expurgé de toute référence au programme Territoires d'industrie, pour lequel nous avions obtenu un rapport de bilan au Sénat : c'est regrettable, monsieur le ministre.
Par la suppression de l'article 4A, le secteur de l'économie circulaire, qui fait partie intégrante de l'industrie verte, a également été évacué !
Par ailleurs, nous estimons que l'article 11 bis A relatif aux ombrières photovoltaïques de parking est inapplicable. Vous nous direz peut-être sur quel fondement juridique vous allez interdire l'approvisionnement en panneaux photovoltaïques en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne !
Pour le titre III relatif au financement de ce texte, c'est le grand flou ! Des interrogations de fond, que la commission mixte paritaire a même aggravées, demeurent. Nous ne savons toujours pas ce que sont les « titres financiers concourant à la transition écologique ». Il n'existe pas de définition. Comment sont-ils sélectionnés ? On ne le sait pas ! On nous renvoie à un décret, ce qui signifie que la représentation nationale sera écartée de la discussion sur ce sujet. Il me semble pourtant qu'elle a toute sa place dans le débat relatif aux transformations de la finance, qui doit s'adapter à la transition écologique. Encore une occasion manquée !
Dans la même veine, à l'article 15 bis, l'obligation de transmission des documents relatifs à la durabilité des productions a été supprimée en commission mixte paritaire.
Enfin, le Say on climate, comme on dit en bon gascon, proposé à l'article 18 bis par votre propre majorité, monsieur le ministre, a été supprimé par la commission mixte paritaire. Pourtant, ce dispositif ne consistait qu'à recueillir, en assemblée générale, par un vote non contraignant, l'avis des actionnaires à propos de la stratégie climat de leur entreprise.
Que reste-t-il d'efficace dans ce titre III ? Pas grand-chose de significatif !
Après le texte, j'en viens au contexte. Comme je l'ai dit en première lecture, il est urgent, monsieur le ministre, de nous interroger sur la nature de l'économie dont la France a besoin, dans le cadre d'une situation de transition vers la fin de la civilisation du thermofossile.
Le volet « mieux produire » de la planification écologique que vous venez de rendre publique nécessite un débat et des politiques publiques adaptées.
Ces dernières doivent conduire à une véritable « renaissance industrielle ». Les spécialistes, quand on les écoute, nous disent que le monde de demain sera hyperindustriel, centré sur les services à la personne et privilégiera l'usage par rapport à la propriété.
Ce n'est pas uniquement une affaire de stratégie d'entreprise, même si, bien entendu, c'est aussi cela ! Mais c'est surtout une question de souveraineté nationale, d'autonomie stratégique pour nombre de secteurs essentiels à la vie de nos concitoyens.
Les États-Unis apportent un soutien stratégique à leurs entreprises, et ce depuis toujours. Je pense aux agences Darpa et Barda, ainsi qu'à l'Inflation Reduction Act, l'IRA. C'est la même chose pour les Chinois, dont la stratégie de puissance est assumée. Elle fait fi des règles de concurrence promues ad nauseam par l'Union européenne ou l'OMC, pour ce qui lui reste d'influence.
Quelle est la politique de soutien du Gouvernement français en matière d'offre économique d'avenir dans le contexte de la transition écologique ? Telle est la question. Or, à cet égard, la présentation publique de la planification écologique par le Président de la République ne nous a pas rassurés. La France avait besoin d'un grand récit mobilisateur, nous avons eu droit à un exposé craintif à l'égard des Français !
Le projet de loi relatif à l'industrie verte n'aborde pas du tout ce sujet absolument fondamental de l'économie du XXIe siècle. C'est une faiblesse supplémentaire, qui conduira le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à s'abstenir, en attendant que les sujets de fond soient soumis à notre débat parlementaire.