Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons malheureusement à en avoir une certaine habitude : le Président de la République est coutumier des formules à l'emporte-pièce et des attaques en règle contre les élus locaux. Soit !
Mais le dimanche 24 septembre dernier, en s'en prenant directement aux élus locaux lors d'un entretien sur TF1 et France 2, il a clairement dépassé les limites admissibles, distendant un peu plus encore le lien de confiance entre ceux-ci et l'État, lien passablement endommagé sous sa gouvernance.
Passons sur le fait que s'adresser sciemment à nos concitoyens au moment même où arrivent les résultats d'élections sénatoriales peu favorables à ses troupes n'est pas forcément d'une élégance rare de la part d'un chef de l'État...
Mais oser dire, comme il l'a fait : « Quand vous avez votre taxe foncière qui augmente, c'est pas le Gouvernement. C'est votre commune qui le décide. Et c'est un scandale quand j'entends des élus qui osent dire que c'est la faute du Gouvernement. » Alors là, oui, monsieur le ministre, c'est parfaitement indigne et malhonnête intellectuellement pour qui connaît un tant soit peu le fondement de la situation. Comme le dit l'adage : « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! »
Tout d'abord, il est bon de rappeler que les taux communaux de taxe foncière en question s'appliquent sur des bases qui sont, que vous le vouliez ou non, de la responsabilité de l'État et de la majorité. En cette année 2023, on parle d'une hausse de 7, 1 % des bases, contre 3, 4 % l'année passée. C'est un véritable festival !
Ensuite, aucun élu local ne pense ni ne dit d'ailleurs que la taxe foncière est un impôt d'État ! Les taux de taxe foncière, qu'elle soit sur le bâti ou le non bâti, sont effectivement, et fort heureusement, encore votés en conseil municipal. C'est même le dernier levier fiscal restant aux communes après le véritable hold-up en règle commis sur la taxe d'habitation, en violation totale – là encore, que vous le vouliez ou non – avec l'esprit de l'article 72 de notre Constitution et du principe même de libre administration des communes, qui est si cher au Sénat.
Je rappelle que le contexte financier est extrêmement difficile pour les communes, entre inflation et baisse des dotations de l'État, augmentation des fluides, prolifération normative, péréquations de tout poil, sans même parler du Fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF) ! La taxe foncière est donc, malheureusement, pour certains élus locaux, l'unique moyen de maintenir un niveau de service public satisfaisant dans leur commune, et donc la cohésion sociale, qui est tellement nécessaire dans un pays aussi fracturé.
J'ajoute que ces décisions d'augmentation de la taxe foncière, prises par seulement 14 % des 35 000 communes de France, sont généralement mesurées et calculées pour que la charge fiscale globale des ménages reste inférieure à ce qu'elle était avant la disparition de la taxe d'habitation, avec pour objectif essentiel de préserver la qualité des services publics, tout en maintenant la dette à un faible niveau et en poursuivant un programme d'investissements durables. En somme, les principes de base d'une saine gestion à l'œuvre dans nos communes !
En vérité, le sujet central que révèle cette insupportable polémique, c'est que nous constatons amèrement les effets délétères du phénomène de recentralisation massive qui frappe de plein fouet nos collectivités. Les maires n'ont plus qu'un seul levier fiscal pour y faire face : la taxe foncière !
Je tiens à remercier nos collègues du groupe CRCE-Kanaky, et notamment Pascal Savoldelli, d'avoir organisé ce débat.
Lorsque le chef de l'État sera en capacité d'équilibrer le budget de notre pays – une contrainte qui s'impose rigoureusement aux maires –, il pourra éventuellement venir nous donner des leçons. Mais pas avant !