Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez souhaité organiser ce débat relatif à l'augmentation de la taxe foncière, et je vous en remercie. C'est en effet l'occasion d'échanger sur la hausse des bases, qui a pu être imputée par certains au Gouvernement.
Lorsque j'étais président de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, j'ai toujours été partisan d'un dialogue sincère et constructif entre les élus locaux et l'État. Je reste sur la même ligne en tant que ministre des comptes publics.
Or un dialogue sincère et constructif ne peut pas reposer sur des approximations, voire des contre-vérités. Vous le savez, depuis la loi de finances du 30 décembre 2017, les valeurs locatives cadastrales sont revalorisées chaque année au moyen d'un coefficient forfaitaire qui tient compte de l'indice des prix à la consommation harmonisé, publié par l'Insee au mois de novembre précédant la taxation. Les hausses de taxe foncière observées sont donc avant tout le résultat de l'inflation, mais aussi des choix locaux.
Soyons clairs, la taxe foncière est un impôt 100 % local. Ce sont bien les maires qui décident du montant de la taxe que paient leurs administrés, et c'est très bien ainsi. Je le rappelle, le Gouvernement n'a pris aucune décision en la matière.
Pour la prise en compte de l'inflation, une règle automatique a été votée en 2016 par le Parlement, à une très large majorité, et elle est appliquée sans exception depuis 2018.
L'an dernier, alors que le niveau de l'inflation était élevé, l'application de cette règle avait fait l'objet d'une demande unanime des associations d'élus locaux. C'est ce qui a été fait, afin de ne pas préempter les choix des élus locaux.
Ces élus ont ainsi pu décider librement d'augmenter, de maintenir ou de baisser le taux de cet impôt. J'observe d'ailleurs que la majorité des élus – cela a été dit au cours du débat – ont pris la décision de ne pas augmenter le taux de cette taxe : 85 % des communes ont opté pour un taux stable, soit un niveau supérieur à celui de 2022, où il se situait à 83 %. Par ailleurs, 463 communes ont fait le choix de réduire le taux pour protéger le pouvoir d'achat de leurs administrés, allant même parfois jusqu'à annuler l'effet de la revalorisation des bases. D'autres ont opté pour un partage de l'effet de l'inflation entre la commune et les contribuables.
Un choix différent a été fait par 14 % des communes, dont plusieurs grandes villes. Quelles en sont les raisons ? Il s'agit là d'un débat local qui doit avoir lieu entre le maire et ses administrés, et, là encore, c'est très bien ainsi.
Certains disent avoir été contraints de procéder à cette augmentation du fait du niveau de soutien de l'État. C'est faux ! Le débat n'a aucun lien ni avec le niveau des dotations de l'État ni avec la suppression de la taxe d'habitation.
Rappelons que l'État a fait sa part en 2023 en augmentant considérablement son soutien financier aux collectivités territoriales, que ce soit pour les investissements ou le fonctionnement : hausse de la DGF pour 90 % des communes ; doublement des dotations d'investissement à hauteur de 4 milliards d'euros avec le Fonds vert ; mise en place d'un bouclier, d'un amortisseur et d'un filet de sécurité pour plus de 2 milliards d'euros.
Rappelons aussi que la suppression de la taxe d'habitation a fait l'objet d'une compensation intégrale et dynamique. Le bloc communal a bénéficié de l'affectation de l'intégralité du rendement de la taxe foncière, précédemment partagé avec les départements. En outre, pour assurer qu'aucune commune ne soit perdante, l'État abonde de près de 600 millions d'euros par an un mécanisme de correction.
La suppression de la taxe d'habitation n'a pas eu d'impact sur les collectivités territoriales. Sa seule conséquence est bien le soutien au pouvoir d'achat des ménages !
Tels sont les effets des choix opérés par le Gouvernement en faveur des Français. Cela représente en moyenne 760 euros par foyer et par an. §
Affirmer que l'on augmente la taxe foncière pour compenser la suppression de la taxe d'habitation serait au final ne pas vouloir prendre ses responsabilités.
L'augmentation de la taxe foncière n'a pas non plus de lien avec la situation financière des collectivités. Celles-ci, dans leur majorité, connaissaient une situation financière favorable à la fin de 2022C'est la Cour des comptes – et non pas moi – qui le dit !
Bien sûr, la Cour des comptes rappelle qu'une situation globale positive n'exclut pas des disparités. En 2022, il s'avère que le nombre de collectivités en difficulté a significativement diminué. Le nombre de communes dont l'épargne brute est négative est ainsi passé de près de 6 000 à un peu moins de 5 000.
L'inflation continue d'être forte, mais les recettes de fonctionnement sont dynamiques. La situation financière du bloc communal au 30 septembre 2023 se révèle meilleure, globalement, qu'elle ne l'était au 30 septembre 2022.
Nous avons besoin d'avoir sur ces sujets un débat apaisé et constructif avec les collectivités locales. C'est la démarche que nous proposons, car c'est la seule qui marche !