J'en viens au programme initial du Conseil européen des 26 et 27 octobre prochains. Celui-ci a été précédé par le sommet de la Communauté politique européenne (CPE) qui s'est tenu à Grenade le 5 octobre, préalablement au Conseil européen informel de la semaine dernière, dont les réflexions doivent préfigurer l'agenda stratégique pour la période 2024-2029.
Ceux que cette frénésie de cogitation étourdit un peu retrouveront leurs esprits en lisant le communiqué relatif à l'ordre du jour du sommet de Grenade : les décideurs de tout le continent ont discuté des moyens de « rendre l'Europe plus résiliente, prospère et géostratégique ».
En termes compréhensibles par tous, la stratégie européenne repose depuis février 2022 sur un triptyque : renforcer nos efforts de défense communs, réduire notre dépendance énergétique et rendre notre économie plus robuste.
Madame la secrétaire d'État, le bilan n'est guère rassurant !
Nos efforts de défense communs sont à la peine.
En mars dernier, le président Cambon vous interrogeait déjà sur le risque d'accroître notre dépendance à l'égard de l'industrie américaine.
Six mois plus tard, la coopération franco-allemande a subi de sérieux revers ; la Finlande, la Roumanie et la République tchèque ont annoncé l'achat de dix douzaines de chasseurs F-35, et la Pologne, qui ambitionne de se doter de l'armée terrestre la plus puissante d'Europe, dépense plus de 4 % de son PIB en matériel principalement américain.
Dans le domaine énergétique, nous saluons l'ambition du plan REPowerEU, qui vise à se défaire de la dépendance au gaz russe.
Toutefois, à la lumière de ce que viennent de subir les Arméniens du Haut-Karabagh, il faut reconnaître que l'accord passé par la présidente von der Leyen avec le président d'Azerbaïdjan en juillet 2022 pose d'inconfortables questions. Voilà pour la résilience !
Sur la prospérité, ayons le courage de la vérité : les indicateurs de croissance, de confiance et de robustesse industrielle européens sont plutôt mauvais.
Nous souhaitons, enfin, que vous nous précisiez l'analyse du Gouvernement sur les perspectives d'élargissement et, surtout, sur les conditions auxquelles cet élargissement serait envisageable. À quel horizon le voyez-vous ? Quels changements exigera-t-il ?
Par exemple, pouvez-vous nous dire quel jugement vous portez sur le rapport, publié par douze politologues à la mi-septembre, qui préconise une fédéralisation accrue ? L'adhésion des peuples fait-elle seulement partie du débat ouvert par ce rapport d'experts franco-allemands, lequel n'a été publié, dois-je le rappeler, qu'en anglais ?
Le temps manque pour évoquer le soutien à l'Ukraine, dans l'incertitude de l'appui américain, ou la question brûlante de la gestion des migrations en Méditerranée. Peut-être y reviendrez-vous dans votre réponse.
Madame la secrétaire d'État, de sombres nuages s'amoncellent au-dessus de notre monde. Nos concitoyens attendent que la France propose à nos partenaires européens un cap clair qui permette de défendre nos intérêts !