Intervention de Laurence Boone

Réunion du 11 octobre 2023 à 15h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 26 et 27 octobre 2023

Laurence Boone, secrétaire d'État :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, merci de ces interventions riches et complètes auxquelles je vais m'efforcer de répondre en détail. Si mes efforts ne suffisent pas, mon cabinet et moi-même nous tenons à votre disposition.

Merci de vos mots très forts en soutien à Israël. Face à l'horreur, il est très marquant de constater à quel point nous sommes ici unis, aux côtés d'Israël.

Messieurs les présidents Perrin et Rapin, messieurs les sénateurs Médevielle, Fernique et Laouedj, mesdames les sénatrices Devésa et Apourceau-Poly, vous m'avez notamment interrogée sur la suspension de l'aide européenne à la Palestine.

Il est vrai qu'une certaine confusion a pu régner sur la question et je vais donc m'efforcer de clarifier la situation : l'aide européenne n'a pas été suspendue ; les Palestiniens n'ont pas à souffrir des horreurs abjectes qui sont commises par le Hamas.

En revanche, la Commission a lancé une revue pour s'assurer que l'aide européenne allait vers de bonnes mains. À ce sujet, monsieur le sénateur Fernique, il y aura bien une réunion immédiate du Conseil des ministres des affaires étrangères.

Vous m'avez ensuite questionnée sur le troisième sommet de la Communauté politique européenne (CPE) à Grenade. Cet événement nous a tout d'abord offert l'occasion de renouveler l'expression de notre solidarité à l'égard de l'Ukraine.

Ensuite, il nous a permis d'évoquer, notamment, avec le premier ministre arménien, une prochaine réunion à Bruxelles avec Charles Michel et le président de l'Azerbaïdjan. Nous avons pu, surtout, discuter de l'organisation du soutien à l'Arménie, à son intégrité territoriale, ainsi, bien évidemment, qu'aux réfugiés. Comme vous le savez, 100 000 personnes ont été déplacées dans cette région.

Plus concrètement, cette réunion a permis de poursuivre l'agenda en matière de cybersécurité, notamment en étendant la future réserve cyber européenne aux pays tiers de la CPE.

Enfin, il importe de souligner, pour la continuité de la CPE, que le Royaume-Uni s'est emparé de ce format, en y voyant beaucoup de potentiel, notamment pour aborder les questions migratoires – j'y reviendrai dans un instant.

Nous avons également entamé des discussions sur les perspectives d'élargissement. Monsieur le sénateur Patient, vous avez abordé cette question en termes géopolitiques, monsieur le sénateur Allizard, vous avez évoqué des cercles concentriques, madame Devésa, vous l'avez resituée dans le contexte de la relation franco-allemande.

Le Conseil européen a pu débattre de deux questions et la France peut se féliciter d'avoir obtenu que le texte final encourage les pays candidats à aller plus vite sur la voie de l'adhésion et à accélérer le rythme des réformes, mais aborde également, en parallèle, la question de la réforme de l'Union européenne. Vous avez été plusieurs à souligner combien il était nécessaire d'être à la fois plus agiles et plus flexibles, en particulier dans la perspective d'une Union plus large dans quelques années.

Le mandat qui a été confié aux ministres des affaires européennes pour les prochaines semaines nous conduit à travailler simultanément sur ces deux questions. Nous devrons en discuter dès le prochain Conseil consacré aux affaires générales, le 24 octobre.

S'agissant du groupe des douze experts franco-allemands, il rassemble des spécialistes indépendants, à qui nous avons demandé de nous présenter des options afin de pouvoir étudier les ajustements à réaliser en vue d'être effectivement plus agiles et plus flexibles.

À cet égard, la ministre des affaires étrangères allemande organise le 2 novembre prochain à Berlin une conférence sur l'élargissement, à laquelle je me rendrai, la ministre Catherine Colonna se trouvant empêchée.

La question des migrations a été autant discutée dans cet hémicycle qu'à Grenade, je dois le reconnaître : vous en avez tous parlé.

La réunion organisée par le Royaume-Uni et l'Italie, à laquelle étaient associées l'Albanie et la France, a permis des avancées concernant la lutte contre les réseaux de passeurs. Ces pays sont unanimes pour considérer que nous devons parvenir à identifier et à démanteler les réseaux de passeurs, afin que les pays où ceux-ci se trouvent les punissent. Nous entendons également nous attaquer aux chaînes de production des embarcations, afin d'éviter autant que possible de nouveaux drames dans la Méditerranée.

L'objectif de toutes ces discussions est clair : il s'agit de maîtriser les flux migratoires. J'estime à ce titre que nous pouvons être fiers du compromis qui a été trouvé sur les différents textes qui composent le pacte asile et immigration.

Celui-ci reflète en effet notre devoir de solidarité et d'humanité en reconnaissant qu'il faut accueillir les demandeurs d'asile qui ont besoin de venir chez nous, qu'il convient de traiter plus rapidement les dossiers de ceux qui n'ont pas le droit à l'asile – ce point constitue un pilier de la procédure – et qu'il faut aider les pays de première entrée – les difficultés rencontrées à Lampedusa l'ont montré.

Le pacte précise aussi les modalités de la solidarité de fait qui s'exerce : chaque demandeur est enregistré, il se voit attribuer des documents d'identité et prodiguer des soins de santé. Après quoi, les demandeurs d'asile sont répartis sur le territoire européen.

Au regard des différentes positions qui se sont exprimées, j'estime que ce pacte constitue un bon équilibre entre la solidarité et l'humanité d'un côté, et la responsabilité au regard des frontières extérieures de l'autre côté.

En ce qui concerne les politiques de visas de travail, comme vous le savez, monsieur le sénateur Patient, elles relèvent non pas de l'Union européenne, mais des législations nationales. Nous pourrons peut-être réfléchir à l'élaboration d'un prochain programme européen en la matière, mais pour l'heure, les actions menées dans le cadre de la lutte contre les passeurs permettront d'améliorer la situation, notamment en Guyane et à Mayotte, que vous avez mentionnée. Quoi qu'il en soit, le Parlement européen est bien au travail, et j'ai bon espoir que nous parvenions à conclure un accord avant la fin de la mandature européenne.

J'en viens au récent arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne sur le contrôle aux frontières intérieures que vous avez évoqué, monsieur le président Rapin. Je vous rejoins pleinement : dans le contexte que nous connaissons, il est primordial que les services du ministère de l'intérieur disposent des moyens de protéger efficacement les frontières. C'est pourquoi nous sommes en train d'effectuer l'analyse des conséquences opérationnelles de la décision de la CJUE.

Pour l'heure, il convient toutefois de demeurer prudent, car je rappelle que ladite décision a été rendue dans le cadre d'une procédure qui est en cours devant le Conseil d'État. Dans la décision qu'il rendra au fond, le Conseil d'État précisera la portée de l'arrêt de la CJUE pour notre droit national. Dans l'intérim, et face au défi que vous connaissez, les contrôles aux frontières intérieures restent en vigueur.

Vous avez été nombreux à m'interroger sur les questions économiques, couvrant l'ensemble des points qui seront discutés au Conseil européen.

Je commencerai par la révision du cadre financier pluriannuel, qui a fait l'objet de nombreuses questions. En la matière, notre position est très ferme : si nous voulons disposer des moyens de financer nos ressources propres, notamment grâce à la taxe carbone aux frontières et aux recettes issues du marché du carbone, nous ne souhaitons pas que cette révision emporte une augmentation trop importante du budget européen.

L'impôt sur les bénéfices des entreprises, que vous avez évoqué, est effectivement temporaire. Il s'ajoute à l'impôt sur les multinationales instauré par l'OCDE.

Lors de la prochaine mandature – je crois que nous en sommes tous d'accord –, il faudra aller plus loin en matière de ressources propres si nous voulons étendre les politiques budgétaires de l'Union européenne.

En ce qui concerne la réforme de la gouvernance économique, au sujet de laquelle MM. Rapin et Husson ainsi que Mme Blatrix Contat m'ont interrogée, je le dis clairement : nous ne voulons pas de règles qui seraient complètement procycliques. Nous souhaitons que cette gouvernance tienne compte des positions initiales de chaque pays, de leurs spécificités en termes d'investissements et de réformes à venir. Nous tenons cette position très fermement dans les négociations, et comme elle est de bon sens, je ne doute pas que les États que vous nommez les « frugaux », monsieur Husson, finiront par s'y rallier.

Vous êtes également nombreux à avoir mentionné ce pilier de notre compétitivité qu'est la réforme du marché de l'électricité, sujet qui, comme vous savez, est très clivant au niveau du Conseil.

Je tiens tout d'abord à redire, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises dans cet hémicycle, que jamais nous ne transigerons sur le nucléaire.

Il convient ensuite de noter que, comme le Président de la République l'a annoncé à l'issue des rencontres franco-allemandes qui se sont tenues à Hambourg, nous commençons à avancer et à voir les positions bouger.

Nous sommes de ce fait assez confiants quant à la possibilité de parvenir à un accord qui permette aux Français d'accéder à des prix qui reflètent la réalité de notre mix électrique.

J'en viens aux aides d'État. Je tiens à préciser que les montants qui ont été évoqués correspondent aux montants qui ont été non pas déboursés, mais seulement demandés. La France a toujours considéré qu'il fallait des aides d'État, mais aussi un fonds de souveraineté au bénéfice des petits pays afin d'éviter que les différences de moyens avec les plus grands États ne conduisent à une fragmentation de l'Union européenne.

Monsieur le sénateur Pellevat, je vous trouve quelque peu sévère au sujet de la compétitivité.

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