Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 11 octobre 2023 à 15h00
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme de la navette législative pour l’adoption de ces deux projets de loi, qui visent à donner un nouveau souffle à une institution judiciaire en mal de confiance.

La justice française n’est en effet pas épargnée par la défiance à l’égard des institutions. Les six réformes législatives votées ces dernières années n’ont pas réussi à endiguer le malaise persistant mis en exergue par la « tribune des 3 000 ».

En réponse, les États généraux de la justice ont permis une large concertation, qui a tracé des pistes de réforme dont ces deux textes sont, en partie, la traduction législative.

Le Sénat a abordé leur examen dans un état d’esprit mêlant exigence, réalisme et pragmatisme, avec pour seul objectif de donner à la justice les moyens d’être la plus efficace possible, dans l’intérêt de nos concitoyens.

Aujourd’hui, à l’issue de la commission mixte paritaire, nous vous soumettons un texte de compromis équilibré, qui comprend de nombreuses avancées introduites par le Sénat.

Concernant le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, nous nous félicitons que nos collègues députés nous aient rejoints sur certains points qui nous tenaient à cœur.

Il en est ainsi du recrutement de 1 800 greffiers, chevilles ouvrières de nos juridictions, lesquelles ne peuvent fonctionner sans ces hommes et ces femmes, souvent dans l’ombre, dont le rôle est primordial pour rendre la justice aux côtés des magistrats. C’est pourquoi il nous est apparu essentiel de conserver, dans les recrutements à venir, le ratio de 1, 2 greffier pour 1 magistrat.

Par ailleurs, nous formons le vœu que les négociations en cours sur les revalorisations statutaires et de rémunération des greffiers aboutissent rapidement, pour assurer la juste reconnaissance de cette profession utile, mais souvent peu attractive.

La nécessité d’un danger imminent pour justifier les perquisitions de nuit, obtenue sur l’initiative de notre collègue Guy Benarroche, a également été conservée, de même que la reconnaissance d’un privilège légal pour les juristes d’entreprise à l’article 19, la participation des agriculteurs comme assesseurs au tribunal des activités économiques (TAE), l’inclusion dans le champ de compétence de ceux-ci de l’ensemble des associations ou, enfin, le rôle de conciliation des commissaires de justice dans le cadre de la procédure de saisie des rémunérations.

Dans le projet de loi organique, les dispositions adoptées visent principalement à ouvrir les recrutements dans le corps judiciaire, à renforcer les modalités d’évaluation des magistrats et à mieux définir leurs responsabilités.

L’élaboration d’une charte de déontologie, l’inscription de la parité dans la composition des jurys professionnels et le renforcement des sanctions, adoptés sur l’initiative du Sénat, confortent ces objectifs.

De plus, à l’heure où la ligne rouge de l’impartialité de l’expression publique des magistrats a été franchie à plusieurs reprises, le Sénat a souhaité inscrire ce principe à l’article 10 de l’ordonnance statutaire. Ainsi, sans porter atteinte à leur liberté syndicale, constitutionnellement garantie, leur expression publique « ne saurait nuire à l’exercice impartial de leurs fonctions ni porter atteinte à l’indépendance de la justice ».

L’adoption de ces projets de loi organique et ordinaire ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au Gouvernement. Notre travail de contrôle parlementaire devra se poursuivre durant le quinquennat, afin de nous assurer que les engagements pris, notamment dans le volet programmatique du rapport annexé, atteignent leurs objectifs.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que les recrutements promis confèrent de véritables moyens humains supplémentaires aux juridictions, et cela dans des délais raisonnables.

Nous veillerons également, au moment de la réforme du code de procédure pénale, à ce que celle-ci ne se limite pas à une simplification du plan de cet ouvrage, mais donne bien lieu à une réelle refonte des procédures.

Soyez assuré, monsieur le garde des sceaux, que le Sénat exercera un contrôle exigeant sur la mise en œuvre concrète de l’ensemble de ces dispositions que je vous propose, mes chers collègues, d’adopter aujourd’hui.

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