Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 11 octobre 2023 à 15h00
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique

Éric Dupond-Moretti :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, alors que je reviens devant la Haute Assemblée pour la première fois depuis son renouvellement de septembre dernier, de féliciter l’ensemble des sénatrices et des sénateurs élus ou réélus.

Vous le savez, je ne m’en suis jamais caché, j’ai toujours nourri un profond attachement pour le bicamérisme. Je me réjouis donc de poursuivre nos travaux avec un Sénat renouvelé de moitié.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes presque arrivés au bout du chemin.

Il y a quelques jours, j’échangeais assez librement avec des magistrats, et l’un d’entre eux m’a fait cette confidence : « Monsieur le ministre, je suis sûr que, un jour, des politologues, des historiens peut-être, se pencheront sur les décennies qui ont précédé et se demanderont comment une grande démocratie comme la France, berceau de l’État de droit, a pu pendant tant d’années laisser à l’abandon l’institution qui se trouve au fondement même de notre contrat social. » Pour ne rien vous cacher, il me semble qu’il a raison !

Bien sûr, cela semble presque impensable aujourd’hui, alors que nous débattons d’une loi de programmation qui portera le budget de la justice à près de 11 milliards d’euros, mais la question mérite d’être collectivement posée : comment, pendant tant de temps, a-t-on pu donner toujours moins, ou si peu, en demandant toujours plus à nos magistrats, à nos greffiers et à nos agents pénitentiaires ?

La question est d’autant plus lancinante que l’on a fait d’eux, dans le même temps, le réceptacle de toutes les colères et de toutes les frustrations.

Cette loi de programmation ne sort pas de nulle part. Si la justice a fait les frais d’un manque de volonté politique pendant si longtemps, ce n’est désormais plus le cas. Le Président de la République, la Première ministre et son prédécesseur ont fixé un cap clair et nous ont donné les moyens d’atteindre notre objectif.

Cette loi de programmation et cette loi organique proviennent ensuite des États généraux de la justice, exercice démocratique sans précédent, au cours duquel tout le monde a eu voix au chapitre, notamment vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, par l’intermédiaire du président Buffet, que je veux ici très chaleureusement saluer.

Le président Larcher avait par ailleurs organisé à la même période, au nom du Sénat, l’Agora de la justice, et nous avions bien pris note de certaines des conclusions de ses travaux.

J’entends souvent qu’un morceau avalé n’a plus de saveur, mais permettez-moi de rappeler que ce projet de loi de programmation et ce projet de loi organique interviennent après les hausses déjà massives des moyens engagées depuis plusieurs années. Mais je ne vous apprends sans doute rien, puisque le Sénat a voté les trois derniers budgets de la justice.

Beaucoup a déjà été fait : 40 % de hausse du budget de la justice depuis 2017 ; quelque 700 magistrats, 850 greffiers et 2 000 contractuels supplémentaires embauchés sous le précédent quinquennat. Cela nous a permis de mener à bien un déstockage historique, notamment en matière civile, de l’ordre de 30 %.

Il nous fallait aller plus loin. Les États généraux l’ont constaté, et je le savais moi-même depuis longtemps, comme beaucoup d’avocats d’ailleurs, après avoir passé près de trente-cinq ans à sillonner la France de juridiction en juridiction.

Oui, il nous fallait aller plus loin pour restaurer la place de la justice à la hauteur de la mission fondamentale qui est la sienne, de l’engagement de ceux qui la servent et, surtout, des attentes des Français, au nom desquels, ne l’oublions jamais, elle est rendue.

L’accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière ouvre la voie à cette nouvelle étape décisive.

Je veux ici saluer le travail remarquable en tout point de vos deux rapporteures, qui sont par ailleurs de fines connaisseuses des questions de justice.

Je vous remercie, mesdames les rapporteures Canayer et Vérien, d’avoir enrichi significativement ces textes, qui sont meilleurs aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier. C’est là tout le rôle du Parlement, qu’il est toujours dangereux de sous-estimer.

Dans leurs efforts, vos rapporteures ont été rejointes par des parlementaires de tous les groupes, intéressés par les questions de justice. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.

Je tiens également à vous féliciter, monsieur le président de la commission des lois, pour avoir toujours porté une attention particulière aux enjeux de justice. Dussé-je vous faire rougir, votre réélection à la tête de la vénérable commission des lois du Sénat constitue un gage indiscutable pour l’avancée des réformes à mener. Permettez-moi donc, au nom du Gouvernement que je représente ici, de vous féliciter de manière républicaine, mais sincère.

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