Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d’abord remercier le groupe CRCE-Kanaky d’avoir voulu ce débat sur un sujet important, qui nous ramène à la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales engagée en 2018. Cette dernière avait suscité beaucoup d’inquiétude chez les élus locaux, des élus qui n’avaient pas oublié les nombreuses suppressions et exonérations et les allégements en tout genre décidés par tous les gouvernements confondus, compensés par des dotations votées chaque année en loi de finances, souvent figées, parfois réduites d’une année à l’autre et se traduisant, au fil du temps, par des pertes de recettes réelles pour les collectivités, chiffrées aujourd’hui à plusieurs milliards d’euros.
C’est pour cela que, dès 2017 – je veux le rappeler –, la commission des finances du Sénat s’est emparée du sujet pour proposer un modèle de compensation pérenne et dynamique. Et c’est finalement l’option qui a été retenue : le transfert de la part du foncier bâti des départements aux communes et l’attribution d’une part de TVA aux départements et aux intercommunalités.
Je souhaite revenir sur trois points régulièrement évoqués.
Premièrement, l’État impose-t-il aux communes, comme on l’entend parfois, une hausse du montant de la taxe foncière ? Objectivement, la réponse est non.
Certes, la revalorisation des bases, indexée sur l’inflation, est devenue automatique depuis le vote de la loi de finances pour 2018 – elle est de 7, 1 % dans la loi de finances pour 2023 –, mais les conseils municipaux conservent le levier du taux pour ajuster l’évolution de la taxe foncière. Ils peuvent donc réduire la hausse résultant de la revalorisation automatique des bases, la conserver à l’identique ou la majorer.
Et, au final, ce sont bien les communes – et personne d’autre – qui décident du montant réellement payé par les contribuables. Je voulais rétablir cette vérité…
Deuxièmement, la suppression de la taxe d’habitation a-t-elle fait perdre de l’autonomie fiscale aux collectivités ? Oui pour certaines catégories de collectivités ; non pour les communes, pour lesquelles la recette de taxe foncière se substitue à celle de la taxe d’habitation. Les communes conservent donc la même capacité financière qu’auparavant et la même autonomie fiscale, avec un taux de taxe foncière intégrant celui du département.
En revanche, pour les départements et les intercommunalités, il en va autrement, puisque la perte de recette d’un impôt local a été compensée par une part d’impôt national, la TVA. Donc oui, ces collectivités ont perdu en autonomie fiscale.
Cependant, je ne confonds pas l’autonomie fiscale et l’autonomie financière ! Et, pour ce qui me concerne, autant je suis un défenseur acharné de l’autonomie financière des collectivités et de leur libre administration, autant je considère que l’autonomie fiscale n’est pas une garantie de la justice fiscale, car, en réalité, elle crée des disparités et des inégalités entre les territoires.
Dans un département qui ne connaît ni croissance démographique ni croissance économique, voire qui perd des habitants, à quoi se résume l’autonomie fiscale ? Au droit qu’ont les élus de taxer toujours davantage les ménages présents. Or c’est dans les territoires de ce type que le revenu moyen par habitant est le plus faible, donc qu’il y a moins d’habitants pour payer et plus de taxe pour les ménages les moins fortunés.
Je dis donc oui à l’autonomie financière des collectivités, mais je considère qu’affecter une part d’impôt national dynamique est une mesure péréquatrice.
Enfin, la taxe foncière est-elle une fiscalité locale juste ? À l’évidence non, pas plus que ne l’était la taxe d’habitation, ce qui pose évidemment la question de l’assiette d’imposition du foncier bâti ; c’est un chantier à ouvrir.
Et pourquoi ne pas la fonder sur la valeur vénale, comme c’est le cas actuellement dans un certain nombre de pays ?
Je pense que ce chantier est vaste, mais qu’il faut le mener à terme.