Dans le même ordre d’idée, il est inconcevable que les travailleurs et travailleuses ne soient pas davantage associés à ces grands projets de réindustrialisation.
Aucune disposition du texte ne cible la création de chaînes de valeurs ou n’évoque une plus grande implication des sous-traitants dans les processus décisionnels des entreprises donneuses d’ordres.
Volontarisme incantatoire encore, car nous ne pourrons réindustrialiser le pays contre les élus locaux et les collectivités territoriales, à l’égard desquels votre gouvernement nourrit une défiance, comme si la désindustrialisation était de leur fait. Au contraire, les élus locaux sont les premiers interlocuteurs des porteurs de projets et les plus à même d’assurer l’acceptabilité de nouveaux projets devant s’insérer dans un écosystème complexe.
Volontarisme incantatoire toujours, car il faut être capable, pour réindustrialiser, d’avoir une stratégie industrielle à même de créer des filières ou de renforcer celles qui existent déjà.
Le leitmotiv de l’attractivité de la France en termes d’investissements étrangers ne fait pas une politique industrielle. Pis, c’est prendre le risque de déposséder le pays de son appareil de production et de l’appauvrir en profondeur, car le capital étranger peut être tenté de prendre les brevets et la compétence, avant de délocaliser la production. Nous en avons malheureusement des exemples, notamment depuis votre arrivée au pouvoir.
En ce sens, sans financement pérenne en lieu et place de politiques fiscales et sociales très avantageuses pour le capital, il ne peut y avoir de réindustrialisation effective.
Or les 7 milliards d’euros d’investissements publics du programme de planification écologique annoncé pour 2023 par Mme la Première ministre devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE) sont bien en deçà des 25 milliards d’euros d’investissement qui sont nécessaires chaque année, comme le rappellent le Haut Conseil pour le climat (HCC) et le rapport Pisani-Ferry.
À cet égard, que sont devenus les milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), que sont devenus les 160 milliards d’euros d’aides que reçoivent chaque année le capital et les entreprises, sans contrepartie en termes d’emplois, de salaires ou d’investissements pour décarboner notre industrie ?
Malgré tout, vous persistez à arroser les entreprises sans conditionnalité ni contrôle. Vous continuez de mettre à disposition de grands groupes industriels plusieurs milliards d’euros supplémentaires d’argent public à travers différents dispositifs institutionnels – fonds Friches, fonds vert, France 2030, Banque des territoires… – sans aucune lisibilité.
Nous proposons donc que le Sénat se saisisse de cette question et crée une mission d’information pour déterminer si votre politique fiscale sert bien les investissements productifs ou ne vise simplement qu’à sécuriser les dividendes des actionnaires.
Pis encore, vous n’évoquez jamais les causes réelles de la désindustrialisation. Vous osez même parfois avancer que nos normes sociales ou environnementales en seraient responsables ! Pourtant, la réindustrialisation ne peut se faire contre l’environnement, contre les procédures environnementales ni contre la protection de la biodiversité.
Enfin, vous ne dites jamais rien sur la question de l’énergie ni sur celle de la réforme du marché européen de l’électricité. Or le montant de la facture d’électricité payée par les industriels a bondi de 45 % en un an ! Nous ne savons toujours pas quel sera le prix de l’électricité en 2025, lorsque le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) aura pris fin – s’il prend fin –, alors même que les industriels ont besoin d’une vision à long terme, comme l’a souligné le patron de Saint-Gobain, auditionné ce matin par la commission des affaires économiques.
De nombreuses études pointent que la hausse des prix de l’énergie fait peser une menace sur près de 6 % de l’emploi industriel en France.
Si la réindustrialisation du pays est nécessaire, seule une planification écologique globale et concertée est à même de concilier enjeux industriels, enjeux sociaux, enjeux d’aménagement du territoire et enjeux de finances publiques.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur les conclusions de cette commission mixte paritaire.