Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate que, dès les tout premiers débats d’initiative sénatoriale de la mandature, le Sénat est au cœur de son rôle de chambre des territoires. Nous allons parler d’autonomie fiscale et de dynamique de la taxe foncière.
Je profiterai de ces quelques minutes pour revenir sur ce qui a fait l’actualité et présenter la vision des écologistes sur la fiscalité locale.
En préambule, je veux procéder à un rappel utile pour le Gouvernement. Le niveau de la taxe foncière est déterminé par deux facteurs : les taux, décidés par les conseils municipaux, et les bases fiscales, fixées par la loi et indexées sur l’inflation. Pour cette année, le Parlement a augmenté les bases de 7, 1 %.
Oui, factuellement, les communes ont la possibilité de réduire leur taux pour neutraliser la hausse, imposée, des bases fiscales et éviter ainsi un impact sur les finances de leurs administrés.
Mais à quel prix peuvent-elles le faire ? Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, suppression progressive de la CVAE, baisse récurrente de la dotation globale de fonctionnement, augmentation du point d’indice, inflation et augmentation des matières premières et des fluides… Si l’on veut réellement que les communes assurent correctement leurs compétences et la mise en œuvre de services publics de qualité, il faut leur en donner les moyens.
Or, sur ce volet des moyens donnés aux collectivités, les dernières années peuvent être résumées simplement : l’État décide, les collectivités subissent. Cette situation entraîne bien évidemment un fort mécontentement des collectivités territoriales, exprimé par les élus et les diverses associations, comme nous avons tous pu largement le constater durant la dernière campagne sénatoriale.
Votre boussole, malgré les tempêtes climatique et sociale que nous traversons, reste et demeure la dite « maîtrise des dépenses publiques » et les baisses, voire suppressions, d’impôts et de taxes à tous les étages.
Pour notre part, nous sommes soucieux, car ce discours populiste de tax bashing est politiquement dangereux : il fait peser sur notre pays un climat propice au non-consentement à l’impôt, mais accentue aussi un phénomène déjà à l’œuvre : le creusement des inégalités et l’hyperconcentration des richesses.
Je sais que certains, parmi les rangs de la majorité sénatoriale, ont pu déclarer qu’il n’y avait pas de lien entre impôts locaux et services publics de proximité. Pourtant, sans moyen pour assurer leur financement, les communes ne peuvent pas offrir à leurs administrés les services publics indispensables ; elles ne peuvent pas investir pour amorcer la transition écologique et énergétique au niveau local ; elles ne peuvent pas non plus atténuer les effets de la crise sociale sur les citoyens les plus précaires, dont un nombre toujours plus important se trouvent contraints de faire appel aux banques alimentaires, comme l’actualité récente a pu nous le montrer.
La diminution des ressources dynamiques des communes et l’entrave de la capacité d’action des collectivités vont donc à rebours des enjeux actuels.
Il importe également de repenser l’organisation de la recette fiscale et de s’attacher à faire en sorte que celle-ci ne pèse pas essentiellement sur les ménages. Soulignons ici en effet le transfert trop important du poids de la fiscalité des entreprises vers les ménages, particulièrement vers les classes moyennes, dans un contexte inflationniste qui rend déjà très difficile la vie quotidienne des administrés. Le remplacement de la taxe d’habitation par le versement d’une fraction de la TVA aux collectivités territoriales, qui va par conséquent peser sur des populations qui étaient exonérées de la taxe d’habitation, est un exemple de cette politique que nous ne partageons pas.
Nous la partageons d’autant moins dans un système à deux vitesses.
Aux communes, véritables leviers pour apporter des réponses à l’urgence climatique et sociale, premier lien de la puissance publique, seul échelon à même de répondre concrètement à la défiance, on demande toujours plus de contractions des dépenses et d’efforts de gestion.
Au Président de la République, on permet une explosion des coûts de fonctionnement du « Château », avec une rallonge de 12 millions d’euros cette année, qui correspond à une augmentation de 12 % du budget de l’Élysée. Le Président, chef de la Nation, devrait pourtant être le premier à montrer l’exemple !
Il devrait également s’abstenir, comme un certain nombre des membres de son gouvernement, des attaques tactiques qui visent à mettre en cause les maires et à pointer les communes dans lesquelles la taxe foncière augmente, justement parce que les maires n’ont que ce levier pour mettre en œuvre des services publics de qualité pour leurs administrés dans le contexte inflationniste.
Pour conclure le tout premier propos que j’ai l’honneur de tenir devant cette assemblée, je tiens à rappeler l’importance du lien entre la fiscalité locale et la confiance des citoyens dans la puissance publique. Les contraintes que fait peser l’État sur les collectivités territoriales mettent trop souvent les 520 000 élus de la République dans des situations d’impuissance, qui les affaiblissent dans leur rôle de défenseur des services publics et du cadre de vie.
Comment s’étonner, dès lors, de la défiance accrue de nos citoyens dans la puissance publique ? Redonner aux collectivités leur capacité d’agir revêt un enjeu démocratique : c’est leur permettre de redonner confiance aux citoyens dans l’action publique et dans sa capacité à répondre à leurs aspirations et à affronter les grands enjeux de notre temps.