Je remercie également les représentants des commissions médicales d'établissement de leur présence.
Nous vous recevons à un moment où nos établissements de santé se trouvent de nouveau sous la pression très forte de la crise sanitaire. Par sa durée, celle-ci aggrave incontestablement les difficultés auxquelles était confronté le système hospitalier, en particulier en termes de ressources humaines.
Au-delà de cette situation critique, mais conjoncturelle - du moins peut-on l'espérer - nous souhaitons évoquer avec vous les aspects plus structurels de ces difficultés : le recrutement et la fidélisation des personnels ; l'organisation et le fonctionnement des établissements, et notamment la place et le rôle des soignants ; le financement et le mode de régulation de la dépense prise en charge par la collectivité ; les conditions actuelles du recours à l'hôpital dans notre système de santé, ce qui soulève la question de l'organisation territoriale des soins et de l'articulation avec le secteur privé, hospitalier ou libéral.
Nous voudrions également connaître votre appréciation sur les effets à attendre des mesures prises au cours des deux dernières années, que ce soit au plan financier avec le Ségur ou au plan législatif, en dernier lieu avec la loi Rist d'avril 2021.
Professeur François-René Pruvot, président de la conférence des commissions médicales d'établissement (CME) des centres hospitaliers universitaires (CHU). - Les présidents de conférence partagent des valeurs et objectifs semblables. Mais à la lueur des événements des deux dernières années, nous appelons solennellement, à l'aube des élections présidentielles, à un rééquilibrage des deux grands systèmes d'exercice de la médecine en France : le service public et le service privé. Cette recommandation fera partie des éléments forts de notre plateforme présidentielle, qui sera publiée par une tribune dans Le Monde, puis diffusée par une conférence de presse dans quelques jours, présentant cinq axes stratégiques, huit propositions thématiques et 38 actions pour les candidats à l'élection.
Nous identifions trois ressorts dans la situation actuelle. Le premier est la pandémie avec une lassitude extrême des équipes, ainsi que la carence de soins des malades non-covid, qui sont autant d'anticipations de soucis pour les années qui viennent, en particulier en oncologie. Il est impossible aujourd'hui de tirer un bilan du déficit de prise en charge pendant la crise.
Le deuxième réside dans les manquements du Ségur, à deux titres. On doit évoquer les manquements intrinsèques : la démarche était systémique, mais comportant des insuffisances, en particulier concernant la permanence des soins, le travail de nuit et certaines rémunérations. D'autre part, une réforme d'une telle ampleur ne peut pas entraîner un impact immédiat, donc on n'en mesure pas aujourd'hui tous les bénéfices. C'est la raison pour laquelle il y a encore de la grogne et des difficultés dans les hôpitaux.
Le troisième point est le plus problématique, et fera la transition avec les sujets que vous nous avez demandé de parcourir : c'est une vague de fond, sur laquelle des signaux faibles sont à l'oeuvre depuis une dizaine d'années sans qu'ils soient suffisamment pris en compte, qui traduit un changement de paradigme dans l'imaginaire des métiers de soins et leur exercice dans la population des futurs soignants en formation, médecins ou pas. Cette évolution dans la vision presque ancestrale des métiers de soin est aussi pour beaucoup dans les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui. On les partage probablement avec d'autres professions.