Je vous entends sur la nécessité du tutorat. Mais cela implique de nouvelles embauches. Et qui dit nouvelles embauches dit aussi charges financières plus importantes. Selon vous, où y aurait-il des marges de manoeuvre budgétaires ?
Avez-vous une analyse simple sur ces patients qui embolisent des lits alors qu'ils pourraient être ailleurs ? Quelles sont les soupapes de respiration pour l'hôpital ?
Professeur Rémi Salomon. - Si la santé publique n'a pas de prix, elle a un coût, et nous devons effectivement être attentifs à la manière dont nous dépensons les deniers publics. Pendant la crise, nous avons très bien travaillé avec les administratifs, mais il est vrai qu'avec le « quoi qu'il en coûte », la pression budgétaire avait disparu. Cela étant, je crois possible de mieux travailler avec les administratifs même avec une pression budgétaire ou une régulation. À mon sens, plutôt que d'un seul « patron », l'hôpital a besoin d'une gouvernance reposant sur la coréflexion, la coconstruction et la confiance, à tous les niveaux, y compris celui du service où le rôle du cadre doit être moins administratif et plus orienté sur le soin, en liaison avec le chef de service.
Nous pouvons, me semble-t-il, réaliser des économies.
Le débat sur le coût de coexistence entre la sécurité sociale et les mutuelles montre qu'il pourrait y avoir plusieurs milliards d'euros à récupérer.
Ensuite, il faudrait travailler sur le médicament, dont la fixation du prix n'est pas toujours très transparente. Il y a des écarts de prix importants d'un pays à l'autre. Lors de la première vague, je m'étais beaucoup intéressé à la question de l'indépendance sanitaire ; nous avons failli manquer de médicaments. Je pense que nous ne pouvons pas rester aussi dépendants. Il faut relocaliser la production.
Enfin, le système d'information peut nous aider à faire des économies sur les prescriptions d'examens supplémentaires. Mme Buzyn avait parlé de 20 % d'examens inutiles.
Pour autant, les besoins augmentent. La population française vieillit, et est plus sujette aux polypathologies, ce qui nécessite des soins plus techniques, donc un peu plus coûteux.
L'horrible terme de bed blockers est utilisé pour qualifier les patients qui embolisent des lits alors qu'ils n'ont plus rien à faire à l'hôpital. Le phénomène est lié à l'insuffisance des capacités dans le secteur médico-social. Le métier d'assistant social est extrêmement important à l'hôpital pour mieux préparer les sorties. Nous en manquons, car la profession n'est pas assez attractive ; les assistantes sociales sont mal payées. Je pense même que l'on devrait faire un bilan systématique d'autonomie pour les personnes de soixante ans ou soixante-cinq ans, afin de savoir comment les choses pourraient se passer en cas de dégradation de la santé. Cela permettrait d'anticiper l'organisation en cas de perte d'autonomie.
En outre, il faut tenir compte du cas des patients en situation de précarité. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et l'Île-de-France sont les deux régions les plus concernées. Parmi ma patientèle, beaucoup de familles relèvent du 115. La prise en charge est tout de même plus compliquée pour ces publics.