Confirmant que la sous-commission qu'il avait présidée n'avait pas spécifiquement étudié l'immigration clandestine, M. Jean-Yves Monfort a exposé qu'elle avait en revanche longuement travaillé sur les conséquences pour le respect des droits de l'homme de la gestion des flux migratoires et des conditions d'application du droit d'asile.
Mentionnant l'avis circonstancié sur le droit d'asile qu'avait émis la CNCDH en 2001, il a rappelé que de 2002 à 2005, la sous-commission qu'il présidait avait poursuivi ses travaux sur ce sujet, auquel la Commission est particulièrement sensible et sur lequel elle mène une nouvelle étude qui devrait aboutir en avril ou mai 2006.
a indiqué que bien qu'elle n'ait pas émis d'avis sur la question de l'immigration clandestine, des questions voisines l'avaient cependant amenée à prendre en considération le statut des migrants, réguliers ou irréguliers, la sous-commission ayant toujours été attentive à la garantie de leurs droits fondamentaux, quel que soit leur statut au regard de notre réglementation et du cadre de plus en plus contraignant déterminé par l'Union européenne.
Rappelant que M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, avait relancé en janvier 2005 le débat sur la gestion des flux migratoires à travers la question des quotas, M. Jean-Yves Monfort a souligné que cette question avait « interpellé » la Commission, car il s'agit d'un débat complexe auquel il n'existe pas de réponse simple. Il a expliqué que la CNCDH avait alors procédé à des auditions d'experts et de spécialistes divers sur ce sujet compliqué, qui peut comporter des aspects positifs, comme la reconnaissance de la réalité du phénomène de l'immigration, mais aussi des risques pour les droits de l'Homme, surtout si les critères qui devaient prévaloir étaient d'ordre national, social ou ethnique.
a ajouté qu'ayant eu le sentiment que le Gouvernement n'allait pas dans l'immédiat déposer un texte, la Commission n'avait cependant pas élaboré de projet d'avis et décidé d'attendre d'éventuelles propositions de réforme de la législation. Cependant, les indications récemment publiées dans la presse faisant apparaître que le ministre de l'intérieur semblait vouloir proposer dans les semaines à venir un texte portant sur le contrôle des flux migratoires, la question se pose donc désormais de savoir si la CNCDH sera saisie pour avis de ce texte ou si elle devra s'en autosaisir.
Rappelant que la Commission avait abordé la question des flux migratoires à travers deux avis déjà anciens, l'un rendu le 23 mai 1996 et relatif à un rapport parlementaire sur l'immigration clandestine et le séjour irrégulier d'étrangers en France et l'autre, datant du 17 novembre 1999, sur le trafic des migrants par mer, M. Jean-Yves Monfort a déclaré que ces avis permettaient d'appréhender la philosophie de la Commission en la matière.
Ainsi, dans l'avis du 23 mai 1996, la Commission affirmait que « les droits de l'homme, universels et indivisibles, sont applicables à tout être humain, quelle que soit sa situation, dans le respect de la dignité humaine » et que devait être proscrit « tout amalgame entre demandeurs d'asiles et immigrés clandestins, entre immigrés et terroristes, entre étrangers en situation irrégulière et ceux qui ne sont pas », soulignant que ce type de confusion engendrait des suspicions ou des défiances à l'égard des étrangers et alimentait les préjugés racistes et xénophobes à leur encontre.
a relevé que, dans le même avis, la Commission notait également que l'immigration clandestine était un phénomène qu'il était nécessaire de maîtriser, « particulièrement en ce qui concerne l'exploitation du travail des clandestins par des commanditaires qui jouissent le plus souvent de l'impunité ».
Introduisant ainsi l'idée que les migrants en situation irrégulière étaient davantage les victimes de trafics d'êtres humains que les auteurs d'une infraction administrative, la CNCDH avait estimé que certaines des analyses et propositions contenues dans ce rapport parlementaire étaient contraires aux principes qu'elle rappelait.
a ensuite précisé que l'avis de la CNCDH sur le trafic des migrants par mer faisait aussi nettement apparaître l'idée que les migrants arrivant illégalement en France dans ces conditions étaient des victimes et qu'il mettait l'accent sur la répression des trafiquants, relevant que « le contexte, les conditions et les conséquences de ces activités illicites, qui constituent une nouvelle forme de traite des êtres humains, mettent en cause les droits de l'homme définis dans la Déclaration universelle et garantis par les instruments internationaux pertinents » : l'avis renvoyait notamment à cet égard aux dispositions du Pacte relatif aux droits civils et politiques proclamant que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » et que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
a exposé que c'était autour de ces principes que la Commission avait dégagé quelques droits fondamentaux des migrants, son avis du 17 novembre 1999 mettant en relief que les victimes du trafic des migrants par voie de mer devaient être autorisées à débarquer et que, dans l'attente de leur admission sur leur territoire ou de leur rapatriement, elles devaient être traitées avec dignité, et mises en mesure d'être entendues et de faire valoir leurs droits.
Il a souligné que la CNCDH recommandait par ailleurs de lutter contre ces trafics et de ne pas confondre leurs auteurs et leurs victimes dans un même projet répressif.
a également noté que dans l'avis, plus récent, que la Commission avait rendu le 15 avril 2003 et qui préludait à la loi du 26 novembre 2003, l'on retrouvait l'idée que la Commission, sans vouloir s'immiscer dans la définition de la politique d'immigration « qui appartient au législateur, dans les limites que lui reconnaissent les compétences de l'Union européenne », observait que l'on ne saurait « borner la politique d'immigration à sa seule dimension policière tant il est vrai que le développement des mouvements migratoires est dans la nature d'un monde de plus en plus globalisé » et qu'elle s'interrogeait « sur la pertinence d'une approche qui tiendrait pour acquise la liberté des échanges commerciaux, financiers et de l'information, tout en astreignant les hommes à résidence dans leur propre pays ».
Affirmant partager les préoccupations du Gouvernement de lutter contre les trafics de population et de réguler les mouvements migratoires, elle avait donc souhaité rappeler que ce n'était pas l'offre criminelle qui provoquait la demande mais bien le contraire.
En indiquant que ces avis fondaient toujours la philosophie de la Commission et sa réflexion sur la gestion des flux migratoires, M. Jean-Yves Monfort a ensuite exposé les positions de la CNCDH sur le droit d'asile.
Rappelant que le droit d'asile était une préoccupation cardinale de la Commission, il a observé que de ses plus récents avis sur cette question se dégageait une ligne directrice : le caractère de droit fondamental de l'asile interdit de confondre les questions de l'asile et de l'immigration.
Ainsi, il ne peut y avoir, en matière d'asile, de gestion des flux, même si l'asile peut parfois dissimuler des formes d'immigration clandestine. Il ne peut y avoir de « politique de l'asile », car la demande d'asile est chaque fois un cas particulier. On ne peut pas non plus fixer de quotas, ni faire de prévisions, et il faut respecter la règle imposant qu'un demandeur d'asile puisse accéder au territoire quelles que soient les conditions dans lesquelles il y arrive : M. Jean-Yves Monfort a remarqué que cette dernière considération avait fondé les critiques de la CNCDH à l'égard des notions restrictives les plus récemment introduites dans la loi, tels l'asile interne ou la notion de pays d'origine sûre.
Il a relevé que dans ses avis récents sur le droit d'asile, et notamment ceux du 14 avril et du 15 mai 2003 qui préludaient à la réforme de la loi du 27 juillet 1952, la Commission avait souligné que l'asile étant un droit fondamental, cela imposait au législateur, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dite de « l'effet cliquet », de ne pas adopter de dispositions affectant les garanties essentielles de ce droit qui, au surplus, ne peut être mis en oeuvre par le législateur que dans le respect des engagements internationaux de la France et donc de la Convention de Genève.
Sur le fondement de cette position, dans un avis assez critique et qui avait donné lieu à des réponses très circonstanciées du Gouvernement, la CNCDH avait considéré que la réforme proposée de la loi de 1952 portait atteinte au caractère de droit fondamental, cardinal, qui est celui du droit d'asile.
En conclusion de ce rappel des droits des migrants dégagés par la Commission à l'occasion de ses travaux sur la gestion des flux d'immigration et le droit d'asile, M. Jean-Yves Monfort a évoqué l'avis adopté par la CNCDH le 23 juin 2005 pour encourager la ratification par la France de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants, adoptée dans le cadre des Nations unies en 1990 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003. Pour la Commission, cette convention a l'intérêt de prévoir des normes minimales applicables à tous les migrants quelle que soit leur situation, ce qui va dans le sens du respect des droits fondamentaux inhérents à la dignité humaine.
a enfin mentionné la question particulière des mineurs étrangers isolés, sur laquelle la Commission a rendu deux avis, adoptés en1998 et 2000, ainsi qu'un autre, plus récent, portant sur le sujet des administrateurs ad hoc. La CNCDH s'était, dans ces avis, montrée vivement préoccupée de la situation de ces mineurs et avait souhaité, toujours dans le souci de la sauvegarde des droits fondamentaux de la personne, qu'ils fassent l'objet d'une véritable protection par les services de l'Etat.