Intervention de Jérôme Bascher

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 15 mai 2018 à 14h30
Audition de M. Luc Rouban sociologue directeur de recherche au cnrs-cevipof

Photo de Jérôme BascherJérôme Bascher :

La question sous-jacente ne serait-elle pas : quelle carrière pour la haute fonction publique ? Ici se situe la transformation opérée depuis les années quatre-vingt et que j'ai pu observer de l'intérieur, à Bercy ou en cabinet ministériel. Dans les années quatre-vingt-dix, on a demandé aux énarques de passer chef de bureau au bout de quatre ans contre neuf, comme auparavant. Cette volonté a été inspirée du secteur privé et notamment des milieux financiers, qui faisait progresser les meilleurs éléments plus vite afin de pouvoir les conserver. Mais quels postes leur proposer après, une fois qu'ils sont devenus sous-directeurs à à peine plus de trente ans ?

Nous sommes aujourd'hui dans cette situation et avons du mal à revenir en arrière. Les hauts fonctionnaires veulent aujourd'hui exercer réellement le pouvoir et non pas être seulement de grands techniciens, même si la fonction publique doit s'enorgueillir d'en compter dans ses rangs. Contrairement à la sphère privée, la fonction publique a pourtant du mal à établir la différence entre un cadre supérieur et un cadre dirigeant. Or certains jeunes hauts fonctionnaires aspirent à devenir cadre dirigeants pour réellement prendre des décisions et en assumer les conséquences, et non pas devenir cadre supérieur et se spécialiser dans un domaine technique et aller de missions en missions. Les entreprises privées arrivent, elles, très bien à établir cette différence et lorsqu'elles recrutent un cadre à haut potentiel, elles le prédestinent rapidement à l'une de ces deux carrières. La fonction publique doit, elle aussi, maintenant se poser cette question et savoir à quoi elle destine ses hauts fonctionnaires.

Le rajeunissement des hauts fonctionnaires en situation de pantouflage s'explique par le fait qu'un fonctionnaire ne peut plus s'adapter aujourd'hui au milieu de l'entreprise après trente années de fonction publique. Les entreprises souhaitent donc éprouver les capacités d'adaptation des fonctionnaires lorsqu'ils sont beaucoup plus jeunes. Les échecs peuvent ensuite conduire à des « allers-retours » entre le public et le privé, dont je pourrais donner de nombreux exemples.

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