Intervention de Catherine Weil-Olivier

Commission d'enquête sur la grippe A — Réunion du 26 mai 2010 : 1ère réunion
Audition de Mme Catherine Weil-olivier professeur de pédiatrie à l'université paris vii membre du comité de lutte contre la grippe

Catherine Weil-Olivier :

est ensuite revenue sur la pandémie de grippe A(H1N1)v. En mai 2010, les connaissances sont chiffrables, devenues rationnelles, sans composante émotionnelle.

La première vague épidémique a débuté en France dès le mois de septembre avec, au début, une circulation concomitante nette, voire prédominante, d'autres virus respiratoires. Elle s'est amplifiée à partir de la semaine 38, soit à la fin du mois de septembre. Le pic pandémique est apparu les semaines 47- 48 (fin novembre) : de nombreuses infections respiratoires aiguës ont alors été recensées et le taux de prélèvements positifs au virus A(H1N1)v atteignait 40 à 60 %. La période la plus intense de circulation a couvert huit semaines et le déclin s'est amorcé en janvier 2010.

Cette vague était presqu'exclusivement liée au virus A(H1N1)v : il n'y avait pas de circulation du virus H1N1 saisonnier, moins de 1 % de virus H3N2 et peu de virus B en fin de vague. Il n'y a pas eu d'épidémie saisonnière ensuite. Quant à l'épidémie de virus respiratoire syncytial (VRS), elle a été retardée chez l'enfant, a été plus faible et a connu une fin de vague plus lente.

Ces données appellent deux remarques :

- d'une part, la survenue de cette vague a été plus précoce que la très grande majorité des épidémies saisonnières de grippe qui démarrent rarement en octobre ;

- d'autre part, la période ascendante a été une source collective d'inquiétude : quand allait-elle s'arrêter ? Cette inquiétude était facilitée par les incertitudes des connaissances du moment et le caractère rapidement évolutif des informations arrivant en temps réel à un rythme très dense.

Il y a eu un paradoxe entre l'intensité dite moyenne de cette vague et sa sévérité clinique dite relative. Avec une transmission efficace d'homme à homme, un temps de reproduction situé entre 1,2 et 2 - vraisemblablement autour de 1,4 - l'intensité de cette vague est comparable à celle de beaucoup d'autres épidémies saisonnières. Néanmoins, seuls les cas identifiés ont été recensés et, très vite, par effet de saturation des laboratoires de microbiologie, seules les formes graves ayant donné lieu à hospitalisation ont été confirmées. Les sujets non hospitalisés n'étaient plus explorés au plan virologique. Il y a donc eu une sous-estimation du nombre de malades ayant peu de symptômes et une absence de prise en compte des sujets infectés non malades : seules les études de séroprévalence en population préciseront ce point important. Certaines publications annoncent 4 à 5 fois plus de cas que ceux rapportés.

La sévérité clinique de la grippe A(H1N1)v a, quant à elle, fait l'objet de débats. Plus de 1 300 formes graves ont été confirmées dont un patient sur cinq n'avait aucun facteur de risque antérieur. Des enfants ont été concernés, surtout les plus jeunes, ainsi que de jeunes adultes. Parmi ces formes graves, il y avait un sur-risque d'hospitalisation en réanimation, notamment pour les patients au passé asthmatique (un risque multiplié par 3) et les femmes enceintes (un risque multiplié par 6). Le nombre des décès notifiés a été de 330, soit un patient sur cinq ayant une forme grave. Parmi les patients décédés, un sur cinq n'avait aucun facteur de risque. L'âge médian de décès était de 54 ans (contre 80 et plus dans le cas de la grippe saisonnière), et un décès sur six concernait un enfant. Aux Etats-Unis, le nombre de décès pédiatriques a été quatre fois supérieur à celui des saisons épidémiques des deux dernières années.

Est-il anodin d'avoir eu autant de consultations ambulatoires, de passages aux urgences hospitalières, notamment pédiatriques ? Mme Catherine Weil-Olivier a souligné que, chiffres en main, cette grippe, à forte composante respiratoire, apparaît plus sévère qu'une grippe saisonnière usuelle. Certains réanimateurs ont dit n'avoir jamais vu de situations semblables lors de la grippe saisonnière.

En revanche, la perception du public a été mitigée. Le décalage entre les formes très sévères en réanimation et la perception publique d'une grippe « anodine », voire, pour certains, d'une « grippette », a rendu plus difficile l'adhésion aux mesures de lutte contre la pandémie.

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