a observé que c'était un constat que l'on avait pu faire, notamment à chaque réapparition d'Ebola, le virus de la pandémie de grippe de 1918 ne s'étant toutefois pas conformé à ce modèle. Un virus très dangereux tue tellement rapidement que sa propagation s'interrompt. En revanche, un virus moins virulent, qui ne tue qu'une personne sur dix, se propage et peut contaminer rapidement un grand nombre de personnes. Au total, on peut donc avoir le même nombre de morts, à cause du taux d'attaque, c'est-à-dire de la capacité du virus à pénétrer la population.
On a effectivement constaté, au début de mai 2009, que l'analyse du séquençage génétique du H1N1 montrait que ce virus ne portait pas les gènes de virulence connus. C'était « un peu rassurant », mais pas suffisamment pour qu'on considère que la situation était sans gravité, et cela pour deux raisons. D'abord, la possibilité de mutation demeurait, avec un risque de virulence accrue, comme cela s'est produit en Norvège où, heureusement, le virus mutant ne s'est pas propagé. Ensuite, et c'est un élément très important, on ne savait toujours rien du taux d'attaque de ce virus. Or, jusqu'en septembre, voire jusqu'à la fin de 2009, compte tenu de son caractère nouveau, on pensait qu'il aurait en face de lui une population naïve - à l'exception des plus de soixante-cinq ans, qui paraissaient protégés. On avait donc toutes raisons de penser que le taux d'attaque serait élevé, comme il l'avait été dans certaines zones de l'hémisphère sud. Ce qui n'était pas prévu, c'est qu'en dépit du taux d'attaque, et ce fut une bonne surprise, la maladie s'est révélée bénigne.
La conclusion à en tirer, c'est que, si nous sommes bons en épidémiologie et en virologie, nous ne le sommes pas assez en immunologie. On n'a su que plus tard que ce virus partageait des éléments communs avec d'autres anciens virus, si bien qu'une partie de la population était immunisée, comme l'a montré le très intéressant article de Jason Greenbaum et d'autres scientifiques, publié dans la revue Proceedings of the National Academy of sciences, en décembre 2009. Une des leçons à retenir pour l'avenir est donc que, face à un phénomène épidémique, il faudra vite être en mesure d'apprécier la réceptivité de la population, en se fondant sur des études sérologiques mais aussi sur l'étude des immunités acquises.