Intervention de André Nutte

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 31 janvier 2006 : 1ère réunion
Audition de M. André Nutte directeur de l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations anaem

André Nutte :

a introduit son propos par une brève présentation de l'ANAEM, dont il a rappelé que c'était un établissement public récemment créé en application de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et dont le conseil d'administration s'est réuni pour la première fois à la fin du mois de juillet 2005.

Décidée dans le cadre de la nouvelle politique d'intégration, la mise en place de l'Agence, qui réunit deux entités préexistantes, l'Office des migrations internationales (OMI) et l'association Service social d'aide aux émigrants (SSAE), permet d'offrir aux publics auxquels elle s'adresse des prestations plus complètes et comportant en particulier un important volet de suivi social.

Observant que la mission de l'ANAEM était pour l'essentiel centrée sur l'accueil des primo migrants en situation régulière, M. André Nutte a exposé que l'agence n'en intervenait pas moins, à travers certaines de ses missions, sur des questions liées à l'immigration irrégulière.

En ce qui concerne tout d'abord le travail illégal, il a indiqué qu'en application d'un texte en vigueur depuis 1976, l'ANAEM était chargée de recouvrer une amende administrative due, sans préjudice d'éventuelles poursuites judiciaires, par tout employeur d'un étranger dépourvu d'un titre de travail, dès lors que cette infraction a été constatée par un des services de contrôle compétents -inspection du travail, police nationale, gendarmerie, douanes- qui doivent transmettre le dossier à l'agence.

Le montant de cette amende, due pour chaque travailleur étranger employé, est fixé à 1.000 fois le montant du taux horaire du minimum garanti, soit 3.110 €. Soulignant le caractère dissuasif de cette sanction, M. André Nutte a relevé, pour le regretter, que l'application du texte qui la prévoit avait manqué du suivi nécessaire, ce qui a conduit l'ANAEM à mettre l'accent, dans le cadre des travaux du comité interministériel de contrôle de l'immigration, sur l'intérêt de mieux l'appliquer.

Une circulaire interministérielle du 6 décembre 2005 a donc rappelé aux services déconcentrés de l'Etat et aux préfets leur responsabilité dans la mise en oeuvre de cette procédure. Notant qu'en 2005, l'ANAEM n'avait été saisie que d'un nombre très faible d'infractions, notamment pour certains départements, M. André Nutte s'est félicité de la volonté interministérielle qui s'était ainsi manifestée de relancer l'application d'un dispositif qui peut représenter, à côté des sanctions pénales, un instrument utile de dissuasion et de sanction du travail clandestin.

Il a cependant indiqué que l'ANAEM était également confrontée à un problème de recouvrement des amendes : elle ne perçoit en effet qu'environ 20 % de leur montant. Il a observé que ce faible taux de rendement tenait sans doute en partie au fait que les entreprises en infraction peuvent être difficiles à identifier, qu'elles ont souvent une durée de vie très courte et qu'entre le moment où l'infraction est constatée et celui où l'ANAEM est saisie du dossier, elles peuvent avoir disparu, organisé leur insolvabilité ou été mises en liquidation. M. André Nutte a indiqué que, dans ce dernier cas, le taux de recouvrement des amendes pourrait être amélioré si l'Agence n'était plus considérée comme un créancier chirographaire mais comme un créancier privilégié.

Evoquant ensuite d'autres missions de l'ANAEM ayant un lien avec l'immigration irrégulière, M. André Nutte a mentionné en premier lieu les activités de l'agence dans le cadre des programmes d'aide au retour volontaire destinés aux demandeurs d'asile, aux déboutés du droit d'asile ou aux personnes ayant fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire. Il a regretté que les résultats de ces programmes d'aide au retour ne soient pas toujours à la hauteur des ambitions. Il a cité à cet égard l'exemple du tout récent programme expérimental d'aide au retour volontaire pour les étrangers en situation irrégulière, mis en oeuvre depuis octobre 2005 dans 28 départements. Ce programme, qui permet d'accorder une aide au retour de 2.000 € par personne, en plus de la prise en charge des frais de voyage, ainsi qu'un accompagnement social au départ et à l'arrivée, ne concernerait en effet que 240 départs potentiels.

Exposant ensuite le rôle en matière d'accueil des demandeurs d'asile de l'ANAEM, qui est chargée de la coordination et de la gestion des places en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), M. André Nutte a souligné que l'on pouvait s'interroger sur la composition de la population résidant en CADA, qui comporte 60 % de demandeurs d'asile pour 40 % de personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou ayant été définitivement déboutées.

Enfin, M. André Nutte a mentionné deux autres missions développées par l'ANAEM, d'importance encore modeste mais présentant un certain intérêt, qui portent sur le retour volontaire et la prise en charge dans leur pays d'origine, notamment en Bulgarie, de jeunes personnes en situation de détresse, et sur l'accompagnement, dans les mêmes conditions, de mineurs isolés, ces actions concernant environ 25 personnes par an. En conclusion, M. André Nutte a souligné qu'à travers ses différentes missions et ses réseaux, l'Agence disposait d'une bonne connaissance des populations migrantes et du « vécu » des problèmes auxquels elles peuvent être confrontées.

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