Intervention de Jean-François Delfraissy

Commission d'enquête sur la grippe A — Réunion du 2 juin 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-François delFraissy directeur de l'institut de microbiologie et des maladies infectieuses à l'institut national de la santé et de la recherche médicale inserm

Jean-François Delfraissy :

a ensuite exposé qu'au début du moins de mai 2009, le Gouvernement avait confié à l'Institut de microbiologie et des maladies infectieuses (IMMI) la mission d'organiser la recherche sur la pandémie H1N1. Il a rappelé qu'il n'était pas un spécialiste de la grippe, mais qu'il avait une longue expérience de la recherche sur les maladies infectieuses et que c'est, semble-t-il, comme organisateur de recherche qu'il avait été chargé de cette tâche, qui lui a permis d'apprendre beaucoup sur la grippe.

L'organisation de la recherche sur la pandémie H1N1 a dû se faire dans l'urgence et cette expérience est riche d'enseignement de méthode sur la recherche dans l'urgence en général, ainsi que sur la façon dont on pourra, à l'avenir, construire la recherche sur une autre maladie émergente.

Ainsi, il a fallu à la fois construire et animer une recherche, mais aussi trouver les financements nécessaires. Il a fallu simultanément lancer des projets ambitieux, allant des sciences humaines à la virologie, mettre en place des équipes, définir les protocoles, animer des tables rondes et multiplier les démarches pour le financement auprès des ministères, de la Direction générale de la santé, des structures d'Etat et éventuellement des laboratoires pharmaceutiques, qui ont participé à ce financement.

Dans d'autres Etats Européens, a observé M. Jean-François Delfraissy, on a procédé différemment et des moyens ont été alloués d'emblée aux programmes d'urgence, par exemple en Allemagne ou en Grande-Bretagne. En France, on a dû lancer des projets en espérant que le financement suive, ce qui n'est pas ce que l'on peut faire de mieux en matière d'organisation.

Des projets de recherche ont été menés sur différents aspects.

Sur les aspects cliniques, en particulier, des essais de vaccination sur les populations les plus fragiles, comme les transplantés rénaux, les cancéreux, les immunodéficitaires, ont été lancés. Au total, ces études cliniques ont concerné 11 00 personnes, ce qui est très important. En immunologie, les projets portaient sur la recherche des marqueurs virologiques, immunologiques et génétiques, sur la compréhension des formes graves, comme on le fait pour la tuberculose : pourquoi des personnes en bonne santé développent-elles, en 48 heures seulement, des formes graves, voire fatales, alors que le virus est plutôt bien supporté par d'autres ? En virologie, des projets sur la recombinaison de virus ont été menés avec le laboratoire P4 de Lyon.

Enfin, ont également été lancés des projets transversaux, en sciences sociales, qui ont représenté 15 % du total, avec l'équipe du professeur Jean-Paul Moatti, de l'INSERM de Marseille : ils portaient notamment sur la vaccination, sur la position des médecins généralistes, autant d'études qui dépassent, par leurs enseignements, l'épisode de la pandémie H1N1.

Ce programme a été construit dans l'urgence, entre mai et septembre 2009. Après avoir observé la pandémie entre octobre et décembre et constaté qu'elle n'était pas aussi grave qu'attendue, il a été « déconstruit » à partir de janvier, M. Jean-François Delfraissy a remarqué que c'était la première fois qu'il suivait une telle démarche.

Au total, 12 millions d'euros ont pu être mobilisés pour financer ces recherches, venus du ministère de la recherche, de l'INSERM, du ministère de la santé, de l'ANRS, mais aussi des laboratoires pharmaceutiques - dont la participation, cependant, ne dépasse pas quelques centaines de milliers d'euros.

rappelant que le débat sur l'indépendance de la recherche est très ancien, a précisé que, dès le mois de juin, il avait demandé à tous les participants à ce programme de déclarer leurs liens éventuels avec l'industrie pharmaceutique.

Il a ensuite souhaité, rétrospectivement, exprimer deux regrets. D'abord, celui de s'être trompé, non pas sur la gravité de la maladie mais sur l'importance de la désorganisation sociétale qui aurait pu en résulter, à l'exemple de ce que l'on a observé à Buenos-Aires ou à Mexico, et qu'il avait surestimée. Ensuite, il est regrettable de n'avoir pas trouvé les moyens d'associer la société civile aux démarches suivies, comme le fait couramment l'ANRS. Dans la lutte contre le sida, les patients sont représentés à tous les niveaux de la décision publique. Mais pour la grippe, qui pouvait représenter les patients à venir ? Ce point a été débattu, notamment pour les femmes enceintes, sans trouver de solution.

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