Intervention de Jacqueline Costa-Lacoux

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 13 décembre 2005 : 1ère réunion
Audition de Mme Jacqueline Costa-lacoux membres du haut conseil à l'intégration et directrice de l'observatoire des statistiques de l'immigration et de l'intégration

Jacqueline Costa-Lacoux :

a d'abord souligné que l'immigration clandestine n'était, par définition, pas dénombrée et qu'elle renvoyait à une réalité complexe et mouvante. Les analyses qui pouvaient être effectuées il y a dix ans, au moment, par exemple, de l'affaire des sans-papiers de l'église Saint-Bernard, sont ainsi déjà dépassées. En outre, chaque pays est confronté à des flux migratoires différents, ce qui ne facilite pas le dialogue entre les responsables. Mme Jacqueline Costa-Lacoux a témoigné de la vivacité des échanges qui opposent à Bruxelles les représentants de la France, surtout préoccupés par l'immigration africaine, aux représentants de l'Allemagne, davantage concernés par l'immigration en provenance d'Europe de l'est.

a proposé de dresser une typologie des diverses formes d'immigration clandestine, avant de présenter les méthodes de mesure de l'immigration clandestine.

Elle a, en premier lieu, distingué la notion d'immigré clandestin de celle d'étranger en situation irrégulière. L'immigré clandestin tente de s'installer sans autorisation sur notre territoire, soit par ses propres moyens, soit en empruntant des filières, qui doivent être combattues par une coopération internationale appropriée.

Les étrangers en situation irrégulière, en revanche, ont eu un statut régulier, qu'ils ont ensuite perdu : ils ont pu pénétrer sur le territoire grâce à un visa, ou bénéficier de titres de séjours « précaires », tels qu'une autorisation provisoire de séjour (APS), ou se voir notifier le non-renouvellement de leur titre de séjour, et ont choisi de se maintenir sur le territoire alors qu'ils n'y étaient plus autorisés. Mme Jacqueline Costa-Lacoux a évoqué le cas des étrangers en situation régulière qui perdent leurs papiers et risquent de se voir rejeter dans l'illégalité, faute de pouvoir prouver la régularité de leur séjour. D'autres étrangers sont ressortissants d'Etats où l'état civil n'est pas fiable ou est incomplet. Elle a également mentionné la situation des ressortissants des dix nouveaux Etats membres de l'Union européenne, qui doivent, en application de règles transitoires, demander un titre de séjour s'ils veulent être autorisés à travailler dans un autre Etat membre, mais qui n'accomplissent pas tous cette formalité. Elle a enfin cité le cas des étudiants qui se maintiennent sur notre territoire sans autorisation, après avoir achevé leurs études.

a ensuite indiqué qu'il existait, pour tenter d'évaluer l'ampleur de l'immigration clandestine, des sources fiables mais partielles, et des sources indirectes.

Certaines données sont en effet précisément connues mais ne donnent qu'une image partielle du phénomène de l'immigration irrégulière. On dispose ainsi de statistiques sur le nombre de personnes interpellées, poursuivies et condamnées pour infraction à la législation relative au séjour. Mme Jacqueline Costa-Lacoux a insisté sur le problème posé par le cumul d'infractions : c'est souvent à l'occasion de la commission d'une autre infraction que les étrangers en situation irrégulière sont repérés. On connaît également le nombre de personnes qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire, que l'on peut comparer au nombre de mesures d'éloignement effectivement exécutées, ou encore le nombre de décisions prises en application d'un accord de réadmission.

Les sources indirectes permettent d'évaluer le nombre d'immigrés clandestins en faisant l'hypothèse que les personnes identifiées représentent une certaine proportion des étrangers présents irrégulièrement sur le territoire. On peut ainsi procéder à des extrapolations :

- à partir du nombre de demandes de titre de séjour déposées rapporté au nombre de demandes refusées ou de non-renouvellements de titres de séjour ;

- à partir du nombre d'attestations d'accueil demandées présentées, comparé à celui des attestations validées et refusées ;

- à partir des infractions relevées par l'inspection du travail, mais l'irrégularité peut porter sur le séjour ou sur le travail ;

- à partir du nombre de déboutés du droit d'asile qui n'ont pas fait l'objet d'une reconduite à la frontière ;

- en comparant le nombre de mineurs entrés sur le territoire au titre du regroupement familial à celui des mineurs qui ont obtenu un titre de séjour à leur majorité ;

- à partir du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat (AME), en tenant cependant compte du fait que les étrangers en situation irrégulière recourent peu aux soins médicaux et que des bénéficiaires de l'AME peuvent être régularisés ;

- ou encore à partir du nombre d'enfants scolarisés dont les parents sont en situation irrégulière, qui peut être estimé entre 15.000 et 20.000.

a indiqué qu'elle laissait le soin au ministère de l'intérieur de fournir à la commission d'enquête des données sur les résultats de la lutte contre les trafics de main-d'oeuvre ou sur le coût de la lutte contre l'immigration clandestine pour les services. Elle a noté que le Home Office britannique avait réalisé un rapport pour évaluer le bénéfice retiré par l'économie britannique de la présence d'immigrés clandestins, ce qui montre que différentes approches sur le sujet peuvent coexister.

Elle a ajouté qu'il était difficile de déduire d'indicateurs de pression migratoire, comme les placements en zone d'attente ou les refus d'admission sur le territoire, des conclusions sur le nombre de personnes en situation irrégulière présentes sur le territoire. Rappelant qu'elle avait été auditionnée à l'Assemblée nationale pour rendre compte de ses travaux sur l'état-civil et l'immigration clandestine à Mayotte, elle a estimé que l'on ne disposait pas d'outils suffisants pour mesurer l'immigration clandestine dans les départements et collectivités d'outre-mer.

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