Intervention de François Julien-Laferrière

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 13 décembre 2005 : 1ère réunion
Audition de M. François Julien-laferrière professeur à l'université de paris-sud directeur de l'institut d'études de droit public

François Julien-Laferrière, professeur à l'Université Paris-Sud, directeur de l'Institut d :

Indiquant qu'il enseignait depuis quelques mois à l'étranger et n'était donc pas au fait des projets récemment avancés par le Gouvernement, M. François Julien-Laferrière, professeur à l'Université Paris-Sud, directeur de l'Institut d' a souhaité introduire son propos par deux observations.

Il a en premier lieu relevé qu'il n'était pas indifférent de parler d'immigration clandestine ou d'immigration irrégulière, les immigrés clandestins -ceux qui ont la volonté de se soustraire à la connaissance et au contrôle des autorités- ne représentant qu'une fraction relativement limitée des immigrés qui sont en situation irrégulière au regard de la loi et de la réglementation.

Il a en second lieu jugé qu'il était important de cerner les causes de l'immigration irrégulière si l'on souhaitait tenter de trouver des solutions à ce problème et surtout éviter de recourir à celles qui ont montré les limites de leur efficacité.

A ce propos, rappelant qu'il s'intéressait au droit des étrangers depuis une trentaine d'années, M. François Julien-Laferrière a observé que les mesures prises pendant cette période avaient toujours été des mesures allant dans le sens de davantage de restrictions aux possibilités d'entrée sur le territoire national et de davantage de sanctions des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers, tandis que croissait dans le même temps le nombre des étrangers en situation irrégulière.

Constatant donc un décalage entre l'objectif politique et les moyens juridiques employés pour l'atteindre, il a conclu à l'utilité d'un effort de réflexion de fond sur le problème de l'immigration, tel celui dont avait procédé l'ordonnance du 2 novembre 1945 mais qui n'a pas été renouvelé depuis.

Il a observé que les conditions actuelles n'avaient plus rien à voir avec celles de l'immédiat après-guerre, ni quant à la situation française ni quant à la situation mondiale : les mouvements de population ne sont plus les mêmes, de nouveaux types d'immigration sont apparus et les populations concernées présentent des caractéristiques très différentes de l'image que l'on a de la population française classique, ce qui rend plus difficile le fonctionnement du modèle d'intégration classique. M. François Julien-Laferrière a souligné que toutes ces évolutions étaient liées entre elles et devraient être reliées aux causes de l'immigration, qui sont dans la plupart des cas des causes économiques et tiennent à la différence des niveaux de vie et des modes de vie.

Il a noté que le droit n'était pas fait pour résoudre ces problèmes, dont la solution dépasse largement la compétence des juristes. Le droit, a-t-il rappelé, est une technique au service d'une politique : il faut donc qu'il y ait d'abord une politique clairement définie pour qu'ensuite le droit puisse venir l'appuyer.

A cet égard, M. François Julien-Laferrière a relevé que, depuis une trentaine d'années, la France avait une « politique de non-immigration » mais pas de politique de l'immigration, et qu'il ne pouvait dès lors y avoir de solution juridique permettant de contrôler l'immigration.

En conclusion, il a noté que, s'il n'appartenait pas au juriste de définir une politique, celui-ci pouvait en revanche aider à formaliser les règles qui doivent être appliquées, et sanctionnées en cas de non-application.

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